Résumé
Les embolies cérébrales sont fréquentes (de 20 à 40 %) en cas d’endocardite infectieuse et sont associées à une augmentation de la morbi-mortalité.
L’AVC représente la deuxième cause de décès après l’insuffisance cardiaque en cas d’endocardite.
Le risque embolique est maximal durant les premiers jours après l’initiation du traitement antibiotique et diminue fortement après 2 semaines.
Les facteurs de risque de récidive embolique sont une taille supérieure à 10 mm et une mobilité marquée de la végétation.
La thrombolyse intraveineuse n’est pas recommandée en cas d’infarctus cérébral lié à une endocardite en raison d’un risque important d’hémorragie intracrânienne, tandis que la thrombectomie peut être proposée s’il y a une occlusion proximale.
En cas d’AVC associé à une endocardite, le patient doit être pris en charge par une « équipe endocardite » multidisciplinaire dans un centre de référence.
Chez les patients présentant une indication de chirurgie cardiaque urgente, l’existence d’un AVC compliquant l’endocardite ne représente pas une contre-indication opératoire si les lésions cérébrales ne sont pas majeures et s’il n’y a pas d’hémorragie intracrânienne.
Abstract: Infectious endocarditis and stroke
Cerebral embolic events are a common complication (20 to 40% of cases) of infective endocarditis and are associated with increased morbidity and mortality.
Stroke is the second most frequent cause of death in infective endocarditis.
The risk of embolism is highest during the first days after initiation of antibiotic therapy and strongly diminishes after two weeks.
Risk factors for recurrent embolism are vegetation size >10 mm and marked mobility of the vegetation.
Intravenous thrombolysis is not recommended in acute ischemic stroke related to infective endocarditis because of a high risk of intracranial hemorrhage. Mechanical thrombectomy can be performed in acute stroke patients with large vessel occlusion.
If infective endocarditis is complicated by stroke, the patient should be managed by a multidisciplinary
« Endocarditis Team » in a reference center.
If early cardiac surgery is indicated, a stroke complicating the course of infective endocarditis does not represent a contra-indication to surgery if cerebral injury is not major and if intracranial hemorrhage is absent.
Introduction
Épidémiologie
L’endocardite infectieuse (EI) est une pathologie grave associée à un taux de mortalité intrahospitalière élevée (estimé entre 15 et 20 %). L’incidence annuelle est évaluée entre 3 et 10 cas pour 100 000 habitants. On observe une augmentation de l’incidence des EI, notamment chez les sujets âgés en raison de l’augmentation des indications de pose de dispositifs intracardiaques (pacemakers) et de remplacement valvulaire [1]. Les causes iatrogènes représentent jusqu’à 30 % des cas. Sur le plan microbiologique, les staphylocoques représentent les germes les plus fréquemment en cause actuellement.
Les complications neurologiques sont les complications extracardiaques les plus fréquentes des EI du cœur gauche, survenant chez 20 à 55 % des patients. Elles sont associées à un pronostic plus défavorable, à une mortalité plus importante et à une morbidité accrue par l’existence de séquelles potentiellement invalidantes [2, 3].
On note une amélioration du pronostic et du taux de prise en charge chirurgicale au fil des années dans les pays développés. Il a été démontré qu’une approche multi-disciplinaire (« équipe endocardite infectieuse ») peut diminuer la mortalité à 1 an de 19 à 8 %.
Chirurgie cardiaque
La chirurgie cardiaque est indiquée chez plus de 50 % des patients à la phase aiguë de l’EI. Les indications chirurgicales sont représentées par :
– l’insuffisance cardiaque (liée à une régurgitation sévère ou une obstruction avec œdème pulmonaire réfractaire),
– l’absence de contrôle de l’infection (infection non contrôlée sur le plan local, persistance de la fièvre ou d’hémocultures positives après 7 jours),
– et la prévention du risque embolique (chez les patients ayant une végétation de taille importante, après un événement embolique survenant sous traitement antibiotique adapté) [4].
L’une des raisons les plus fréquentes de renoncement à la chirurgie cardiaque en urgence est l’existence d’une hémorragie intracrânienne, car une aggravation de l’hémorragie et une détérioration de l’état neurologique sont redoutées en raison de l’anticoagulation rendue nécessaire par la circulation extracorporelle. Il est à noter cependant que le taux de mortalité à 1 mois chez les patients pour lesquels la chirurgie cardiaque est indiquée, mais non réalisée en urgence, est particulièrement élevé (63 %) [4].
AVC
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent une complication fréquente et particulièrement sévère de l’EI. Un AVC « cliniquement détectable » survient dans 15 à 30 % des cas d’EI et sa survenue est associée à un taux de mortalité estimé à 50 %. L’AVC représente la deuxième cause de décès après l’insuffisance cardiaque en cas d’EI [2, 3].
Accidents emboliques cérébraux
Épidémiologie
Les accidents emboliques cérébraux surviennent dans 70 % des cas avant le début du traitement antibiotique ou durant les 2 premières semaines. Plus de 90 % des embolies cérébrales touchent le territoire de l’artère cérébrale moyenne [2].
De façon intéressante, une étude ayant évalué l’apport de la réalisation systématique d’une IRM encéphalique chez 109 patients à la phase aiguë d’une endocardite a montré que 37 % des patients asymptomatiques sur le plan neurologique présentent des lésions ischémiques cérébrales [5].
Le traitement antibiotique précoce et adapté est la pierre angulaire de la prévention du risque embolique. Le risque d’AVC embolique diminue de 4,8/1 000 patients-jours durant la première semaine de traitement antibiotique à 1,7/1 000 patients-jours durant la deuxième semaine de traitement [6].
L’importance de l’échographie cardiaque transœsophagienne
L’échographie cardiaque transœsophagienne joue un rôle essentiel dans l’évaluation du risque embolique [7]. Trois éléments qui influencent fortement le risque embolique peuvent être évalués à l’échographie.
1. En premier lieu, la localisation de la végétation : le risque embolique est deux fois plus important pour une localisation mitrale que pour une localisation aortique.
2. Ensuite, la taille de la végétation : une taille supérieure à 10 mm est un facteur prédictif indépendant de récidive embolique sous traitement antibiotique, tandis qu’une taille supérieure à 15 mm est un facteur prédictif indépendant de mortalité.
3. Enfin, le caractère mobile de la végétation : une mobilité sévère de la végétation (végétation prolabée à travers le plan de coaptation de la valve durant le cycle cardiaque) est aussi un facteur prédictif d’embolie sous traitement antibiotique.
Les autres facteurs prédictifs
Les autres facteurs prédictifs d’embolie cérébrale sont les suivants :
– augmentation de la taille de la végétation sous traitement antibiotique,
– endocardite à Staphylococcus aureus,
– endocardite multivalvulaire,
– intensité de la réaction inflammatoire (élévation du taux plasmatique de CRP et de la numération des globules blancs) [2].
Les lésions ischémiques
Le pattern des lésions ischémiques cérébrales visibles sur la séquence de diffusion de l’IRM est variable, mais les lésions ischémiques uniques sont rarement observées (15 % des cas). Les lésions ischémiques sont généralement multiples, dans un seul territoire artériel (33 % des cas), de petites et de grandes tailles (30 % des cas), ou punctiformes (21 % des cas) [2]. Les lésions ischémiques cérébrales observées en cas d’EI pourraient être liées à différents mécanismes, majoritairement de nature embolique à partir des végétations cardiaques, mais aussi parfois causées par une vascularite affectant les petits vaisseaux cérébraux, et favorisées par l’inflammation systémique liée à la bactériémie [8].
Traitement antithrombotique en cas d’endocardite
Il n’y a pas d’indication à initier un traitement antithrombotique (anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire) à la phase aiguë de l’EI. L’association d’un traitement antiagrégant plaquettaire au traitement antibiotique n’a pas réduit le risque embolique dans la seule étude randomisée publiée [9].
Les recommandations de la Société européenne de cardiologie concernant la gestion du traitement antithrombotique en cas d’EI sont les suivantes [9] :
– en cas d’hémorragie majeure, l’interruption d’un traitement antiagrégant plaquettaire pris antérieurement à la survenue de l’endocardite infectieuse est recommandée ;
– si une hémorragie intracrânienne est observée, l’interruption de toute anticoagulation est recommandée ;
– en cas d’accident vasculaire cérébral ischémique sans complication hémorragique, le remplacement d’un traitement anticoagulant oral pris antérieurement à l’endocardite par un traitement par héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire doit être discuté sous surveillance clinique étroite ;
– chez les patients présentant une endocardite sur valve mécanique compliquée de la survenue d’une hémorragie intracrânienne, un traitement par héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire doit être réintroduit dès que possible à l’issue d’une discussion multidisciplinaire.
Thrombolyse intraveineuse et thrombectomie mécanique en cas d’infarctus cérébral lié à une endocardite
On ne dispose pas de données issues d’études randomisées concernant la sécurité et le bénéfice potentiel du traitement d’urgence par thrombolyse intraveineuse et/ou par thrombectomie mécanique en cas d’infarctus cérébral venant compliquer le cours évolutif d’une endocardite, car ce type de patients a généralement été écarté des essais thérapeutiques. Par ailleurs, dans les registres multicentriques de thrombectomie mécanique, les cas en relation avec une EI sont très rares (moins de 1 % de l’ensemble des cas) [10]. Par conséquent, les niveaux de connaissance et de preuve scientifique des recommandations concernant le traitement de reperfusion dans cette situation clinique sont faibles.
Thrombolyse intraveineuse
La thrombolyse intraveineuse apparaît contre-indiquée en cas d’accident vasculaire ischémique lié à un événement embolique compliquant l’évolution d’une endocardite, car les données observationnelles montrent un taux élevé d’hémorragie intracrânienne après thrombolyse dans cette population [11]. Ce taux élevé de complication hémorragique est lié à l’existence potentielle d’anévrismes mycotiques, ou d’une artérite septique avec érosion de la paroi artérielle durant la phase aiguë où l’infection n’est pas contrôlée, ou à l’infiltration des vaisseaux méningés [12]. L’étude histopathologique des végétations a montré qu’elles étaient composées de micro-organismes, de cellules inflammatoires, de plaquettes, et de fibrine [13]. Dans une étude ayant colligé 222 patients ayant présenté un infarctus cérébral lié à une endocardite et traités par thrombolyse intraveineuse, le taux d’hémorragie intracérébrale après thrombolyse était significativement plus élevé dans le groupe EI que dans le groupe contrôle (20 % versus 6,5 % ; p = 0,006). Le taux d’évolution favorable était aussi significativement moins bon dans le groupe EI (10 % versus 37 % ; p = 0,01) [12].
Thrombectomie mécanique
En ce qui concerne la place de la thrombectomie mécanique, on dispose maintenant des résultats de plusieurs études observationnelles issues de cohortes multicentriques [10, 14]. Dans une étude ayant inclus 28 patients présentant une occlusion artérielle cérébrale proximale en relation avec une EI traitée par thrombectomie mécanique, les résultats concernant la sécurité de la procédure et le taux de recanalisation artérielle (85,7 %) étaient similaires à ceux observés chez des patients appariés dont la cause de l’accident était une fibrillation atriale [14]. Cependant, un taux d’évolution favorable moindre (25,9 %) et un taux élevé de récidive embolique étaient observés dans le groupe EI. De façon intéressante, le diagnostic d’endocardite a été fait chez cinq patients de cette série à l’issue de l’analyse bactériologique du matériel embolique, ce qui souligne les difficultés du diagnostic en urgence. Dans une autre étude ayant inclus 55 patients consécutifs traités par thrombectomie mécanique pour un infarctus cérébral lié à une EI, il a été observé un taux relativement élevé de recanalisation artérielle à l’issue du traitement endovasculaire (74,5 %), avec un profil de sécurité acceptable, en particulier en ce qui concerne le risque d’hémorragie intracrânienne, mais le taux d’évolution clinique favorable était faible (20 % versus 43 % chez des patients appariés présentant un accident cardio-embolique lié à une fibrillation atriale), et les taux de mortalité (60 %) et de récidive d’accident vasculaire cérébral durant l’hospitalisation (12,7 %) étaient élevés [10].
Au total, la thrombectomie mécanique peut être proposée en cas d’accident vasculaire cérébral lié à une occlusion artérielle proximale par embolie septique, avec des chances de recanalisation élevées, mais avec un pronostic clinique qui demeure sévère. Des études de plus grande ampleur sont nécessaires pour préciser la sécurité et les modalités optimales du traitement de reperfusion en cas d’infarctus cérébral lié à une endocardite.
Hémorragie intracrânienne
Épidémiologie
Les hémorragies intracrâniennes sont plus rares que les accidents ischémiques cérébraux en cas d’endocardite ; on estime qu’une hémorragie intracrânienne vient compliquer l’évolution d’environ 5 à 7 % des EI [2].
Différents mécanismes peuvent être observés en cas d’hémorragie intracrânienne : transformation hémorragique d’un infarctus cérébral, artérite septique venant éroder la paroi artérielle, ou rupture d’un anévrisme mycotique.
Lorsqu’une hémorragie survient, le pronostic clinique est particulièrement sévère avec un taux de mortalité de plus de 50 % [2].
Anévrismes mycotiques
L’IRM encéphalique apporte des renseignements importants concernant l’évaluation du risque d’hémorragie cérébrale en cas d’EI. Des microsaignements intracérébraux asymptomatiques sont observés sur la séquence IRM T2* écho de gradient chez 50 à 60 % des patients atteints d’endocardite [2, 15] (Fig. 1). Ces microsaignements peuvent refléter une microangéite infectieuse qui peut conduire au développement d’anévrismes mycotiques. Ils peuvent voir leur nombre augmenter rapidement durant les premiers jours ou les premières semaines de l’infection. Leur présence est un facteur prédictif indépendant d’hémorragie intracérébrale [2].
Figure 1 – IRM encéphalique (séquence T2*).
Multiples microsaignements intracérébraux asymptomatiques à l’étage sus- et sous-tentoriel chez un patient présentant une endocardite infectieuse.
Fréquence
La fréquence des anévrismes mycotiques est faible (environ 2 à 4 % des cas d’endocardite), mais elle est probablement sous-estimée, car la réalisation d’une séquence angiographique cérébrale n’est pas constante dans les séries qui ont été rapportées. L’artériographie cérébrale conventionnelle demeure l’examen gold standard concernant le diagnostic radiologique d’anévrisme mycotique, car des anévrismes de petite taille (< 3 mm) peuvent ne pas être visualisés sur les séquences angiographiques du scanner ou de l’IRM [16] (Fig. 2).
Figure 2 – A : Scanner cérébral.
Hémorragie sous-arachnoïdienne chez un patient de 19 ans présentant une endocardite infectieuse à Streptococcus mutans.
B : Artériographie cérébrale.
Anévrisme mycotique fusiforme de l’artère cérébrale moyenne droite à l’origine de l’hémorragie sous-arachnoïdienne.
Pronostic
On estime que 40 à 50 % des anévrismes mycotiques non rompus régressent sous traitement antibiotique, ce qui justifie leur surveillance rapprochée en imagerie. Cependant, les facteurs prédictifs de rupture des anévrismes mycotiques restent mal connus. Le pronostic clinique est sombre en cas de rupture, avec un taux de mortalité supérieur à 60 % [9].
Prise en charge
On ne dispose pas non plus de données issues d’études randomisées concernant la prise en charge thérapeutique des anévrismes mycotiques, qui repose donc en pratique sur une décision au cas par cas après concertation multidisciplinaire. Une approche conservatrice peut être retenue lorsque l’anévrisme régresse sous traitement antibiotique. Selon les recommandations actuelles, les anévrismes mycotiques très volumineux, qui augmentent en taille, ou rompus, doivent être traités par voie neurochirurgicale ou par voie endovasculaire (recommandation de classe I, niveau C) [9]. L’occlusion par voie endovasculaire de l’anévrisme mycotique n’est pas totalement dénuée de risque, car elle peut dans certains cas conduire au sacrifice du vaisseau porteur et entraîner la survenue d’un infarctus cérébral.
Influence de la survenue d’un accident vasculaire cérébral sur la chirurgie valvulaire
La chirurgie cardiaque est actuellement indiquée dans plus de 50 % des cas d’EI, pour traiter une insuffisance cardiaque sévère, contrôler l’état septique ou prévenir le risque d’embolie septique [4, 17].
Facteurs de risque
La chirurgie cardiaque a montré son efficacité sur la prévention du risque de récidive embolique et sur la réduction de la mortalité en cas d’endocardite, mais elle pourrait dans certains cas conduire à une détérioration de l’état neurologique en cas d’accident vasculaire cérébral ayant compliqué le cours évolutif de la maladie [4, 17]. Les facteurs pouvant entraîner cette aggravation sont liés à la circulation extracorporelle nécessaire à la chirurgie : risque de transformation hémorragique d’un infarctus cérébral avec rupture de la barrière hématoencéphalique en relation avec l’anticoagulation intense durant l’intervention, risque d’extension des lésions ischémiques lié à l’hypercoagulabilité ou à la survenue d’une hypotension artérielle.
Importance d’une chirurgie précoce
Cependant, différer l’intervention chirurgicale pour permettre la stabilisation des lésions du parenchyme cérébral et limiter le risque d’aggravation neurologique peut exposer le patient à une plus grande destruction valvulaire, de plus faibles taux de réparation de la valve, une récidive embolique, une aggravation du sepsis et une aggravation progressive de l’insuffisance cardiaque.
Certaines séries récentes ont rapporté des taux de transformation hémorragique et de détérioration de l’état neurologique faibles en cas de chirurgie cardiaque précoce d’une endocardite compliquée d’infarctus cérébral [17, 18]. Ces données apportent des arguments concernant la sécurité de la chirurgie réalisée avec un délai médian de 4 à 8 jours depuis l’hospitalisation ou la survenue de l’accident vasculaire cérébral. Cependant, ces études sont généralement monocentriques et on ne dispose pas de données issues d’études randomisées sur le sujet.
Recommandations
Il existe un accord général concernant les recommandations américaines et européennes sur la chirurgie de l’EI compliquée par une lésion ischémique cérébrale :
– en cas d’accident ischémique transitoire ou d’accident ischémique silencieux, la chirurgie cardiaque est indiquée sans délai (recommandation de classe I ou de classe IIb, niveau de preuve B) [1, 9] ;
– selon les recommandations américaines, si l’accident ischémique n’entraîne pas de lésions cérébrales sévères, la chirurgie peut être réalisée sans délai (recommandation de classe IIb, niveau de preuve B) tandis qu’elle doit être différée d’au moins 4 semaines en cas d’infarctus cérébral majeur (recommandation de classe IIa, niveau de preuve B) [1] ;
– selon les recommandations européennes, si l’accident ischémique n’entraîne pas de dommage neurologique sévère (pas de coma notamment) et que le scanner a exclu une hémorragie intracrânienne, la chirurgie doit être réalisée sans délai en cas d’insuffisance cardiaque, d’infection non contrôlée, d’abcès, ou de risque embolique élevé persistant. Dans ce cas, la chirurgie cardiaque s’accompagne d’un faible risque d’aggravation neurologique (3 à 6 %), avec une bonne probabilité de récupération neurologique complète (recommandation de classe IIa, niveau de preuve B) [9].
En cas d’hémorragie intracrânienne, il est actuellement recommandé de différer la chirurgie de 4 semaines au moins (recommandation de classe IIa, niveau de preuve B) [1, 9]. Cette recommandation est fondée sur des études rétrospectives de faible effectif, avec des biais de sélection potentiels. Si une chirurgie en urgence est indiquée, une discussion multidisciplinaire doit être menée. Une revue systématique et une méta-analyse récente ont évalué l’incidence d’une chirurgie précoce (dans les 30 jours) en cas d’endocardite compliquée d’hémorragie intracrânienne sur le risque de détérioration neurologique post-opératoire et de mortalité [4]. Dans cette analyse de seize études ayant inclus 355 patients, la chirurgie n’était pas associée à une augmentation de la mortalité, mais à un plus haut risque de détérioration de l’état neurologique, particulièrement en cas de chirurgie réalisée dans les 7 jours suivant la survenue de l’hémorragie. La mortalité à 30 jours des patients présentant une endocardite compliquée d’hémorragie intracrânienne chez lesquels la chirurgie a été récusée n’a pas été suffisamment évaluée, mais elle semble particulièrement élevée en comparaison de celle des patients ayant été opérés [4]. Cette population de patients devrait être analysée en détail dans les futures études afin de guider plus précisément les cliniciens dans la détermination du délai optimal de la chirurgie cardiaque.
Correspondance
laurent.derex@chu-lyon.fr
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en relation avec le sujet de l’article.
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