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Journée nationale de la narcolepsie et hypersomnies rares

La journée nationale de la narcolepsie et hypersomnies rares s’est tenue le 23 juin 2023 à Montpellier. Durant une journée se sont rassemblés des spécialistes européens des hypersomnolences centrales afin d’aborder les aspects neurophysiologiques, cliniques, et thérapeutiques de ces pathologies.

Introduction

Le 23 juin dernier s’est tenue à Montpellier la Journée nationale de la narcolepsie et hypersomnies rares organisée par le Pr Yves Dauvilliers, coordonnateur des centres de référence et de compétence en France. Rassemblant des spécialistes du sommeil français, suisses et italiens, c’est dans le bâtiment historique de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes que s’est déroulée cette rencontre. La matinée a été inaugurée à l’internationale, par la présence de deux spécialistes de l’électro-encéphalographie de haute densité, Dr Reto Huber de Zurich et Dr Ana Castelnovo de Lugano, avant de poursuivre sur une session de courtes présentations de travaux de recherche sur les hypersomnolences d’origine centrale, puis d’une présentation sur les formes frontières des hypersomnolences. L’après-midi s’est poursuivi sur la présentation des programmes d’éducation thérapeutique des patients des différents centres de référence narcolepsie-hypersomnie avant de clore la journée par une revue de presse des travaux marquants des dernières années, et une ouverture enthousiasmante sur les traitements prometteurs à venir des hypersomnolences d’origine centrale.

L’électro­encéphalographie de haute densité (hdEEG), une fenêtre sur le sommeil local

La journée a débuté par l’intervention de deux spécialistes étrangers de l’électroencéphalographie (EEG) de haute densité. Le Dr Reto Huber, neurophysiologiste à l’hôpital pour enfants de Zurich (Suisse), a d’abord exposé les enjeux et difficultés techniques de cette méthode de plus en plus utilisée dans la recherche en neurosciences, et en particulier dans l’étude du sommeil. Ses travaux portent notamment sur les ondes lentes, oscillations EEG dominantes en sommeil lent profond reflétant le processus homéostatique. Ses recherches ont mis en évidence une distribution locorégionale dynamique au cours du développement de l’enfance à l’adolescence, avec une prédominance occipitale des ondes lentes chez le jeune enfant, qui évolue vers une prédominance frontale chez le jeune adulte (Fig. 1). Les ondes lentes seraient donc le reflet de la maturation corticale au cours du développement, ce qui est corroboré par des études neuroanatomiques et d’imagerie montrant une dynamique similaire au cours des 20 premières années de la vie [2]. Une autre de ses thématiques de recherche s’intéresse à la morphologie des ondes lentes au cours de la nuit : ces dernières apparaissent moins amples en fin qu’en début de nuit (Fig. 2), reflet de la diminution homéostatique de la connectivité cérébrale au cours du sommeil, supportant l’hypothèse de la dépotentialisation synaptique nocturne [3]. Enfin, il a mis en évidence une migration locorégionale des ondes lentes au cours du sommeil : ainsi, ces ondes se forment au cours du sommeil lent (SL) dans les régions cérébrales antérieures et se propagent vers des régions postérieures de façon reproductible lors de nuits successives chez un même individu. Marqueurs individuels d’excitabilité neuronale, les travelling waves, selon l’appellation originale, pourraient contribuer à mieux comprendre les mécanismes à l’origine des modifications nocturnes de la plasticité synaptique [4].
Le Dr Anna Castelnovo, psychiatre à l’hôpital de Lugano (Suisse), a poursuivi en nous présentant le concept de sommeil local, flagrant dans nombre d’espèces animales comme les cétacés ou oiseaux migrateurs chez lesquels le sommeil est souvent hémisphérique. Citant un ensemble d’études hdEEG chez l’homme, elle nous a montré que les différents stades du cycle veille-sommeil constituent davantage un continuum locorégional que des modes cérébraux généralisés et distincts comme on l’a longtemps pensé. En particulier, ses travaux ont pu mettre en évidence la présence de SL local, caractérisé par des ondes lentes, durant le sommeil paradoxal (SP) ; alors qu’à l’inverse, le rappel de rêves durant le SL était associé à des activités EEG de SP dans les régions occipitales [5]. De même, l’intrusion de sommeil lent pendant la veille a pu être constatée dans diverses tâches “passives” telles que l’écoute d’un livre audio ou lors d’une simulation de conduite, et pourrait s’associer à de nombreuses pathologies du sommeil. À l’inverse, l’intrusion locale d’éveil pendant le sommeil a également été étudiée dans le cadre des parasomnies comme le somnambulisme [6], et pourrait également jouer un rôle dans l’insomnie.

Figure 1 – Évolution du gradient antéro-postérieur de l’activité en ondes lentes (SWA, Slow Wave Activity) au cours des deux premières décennies de la vie. Adapté de [2].

Figure 2 – Comparaison des ondes lentes de début et de fin de nuit. Adapté de [3].

Session recherche

L’hdEEG dans la NT1

Pour faire écho à ces présentations, Tugdual Adam, doctorant encadré par le Pr Dauvilliers à l’Institut des neurosciences de Montpellier, a présenté des résultats préliminaires sur l’étude hdEEG de la cataplexie dans la NT1. Fondés sur l’enregistrement EEG à 128 canaux isolé d’une longue cataplexie, ses résultats montrent qu’il s’agit d’un état dynamique, tant sur le plan comportemental, avec une lutte intermittente du patient pour sortir de cet état, que sur le plan EEG. En étudiant plus précisément le gradient antéro-postérieur du ratio alpha/thêta (ratio d’activité cérébrale dans des bandes de fréquences reflétant respectivement la veille, et le SL léger ou le SP), il semblerait que la cataplexie soit un état qui fluctue dans le temps, caractérisé par des patterns EEG qui sont intermédiaires entre la veille et le SP. En étudiant plus finement la dynamique du ratio au cours de la cataplexie, il a observé une alternance entre des états d’activation corticale importante et des états d’activation moindre, similaire à l’activité corticale observée lors de l’alternance du SP phasique (caractérisé par la présence de mouvements oculaires rapides et de secousses musculaires brèves) et tonique. Toutefois, les patients sont éveillés lors d’une cataplexie à l’inverse du SP par définition, ce qui différencie significativement ces deux états sur un plan comportemental et cognitif.

Comprendre la pathophysiologie des hypersomnolences avec des modèles animaux

Maxime Grenot, doctorant encadré par Christelle Peyron au Centre de recherche en neurosciences de Lyon, a présenté ses travaux sur l’abolition imparfaite du tonus musculaire en SP dans la NT1, aussi appelée trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP), sur des souris et rats narcoleptiques. Plus communément observé chez le sujet âgé, prodrome de la maladie de Parkinson causé par une lésion du noyau sublatérodorsal (SLD), le TCSP s’observe également dans la NT1, sujets chez lesquels le SLD n’est, a priori, pas atteint. Étudiant trois modèles de souris, wildtype (WT), knock-out (KO) NT1 et TCSP idiopathique (par lésion glutamatergique du SLD), il a montré que le tonus musculaire en SP n’était pas aboli chez les souris KO, avec une amplitude intermédiaire entre les souris contrôles et TCSP. De même, le SP phasique, associé à des mouvements corporels, était augmenté en temps et en fréquence chez les souris KO comparé aux souris WT. Ses travaux suggèrent donc que l’absence des neurones à orexine dans la NT1 pourrait être suffisante pour générer le TCSP observé dans cette pathologie.

Hypersomnolences centrales et troubles psychiatriques

Les Dr Rachel Debs, Dr Lucie Barateau et Pr Jean-Arthur Micoulaud ont abordé la thématique des troubles psychiatriques dans les hypersomnolences centrales.

Troubles psychotiques

Ils peuvent être une comorbidité possible chez les patients narcoleptiques. Les traitements psychostimulants, notamment le modafinil, et d’autres traitements utilisés dans la narcolepsie comme l’oxybate de sodium peuvent déclencher ou aggraver des troubles psychotiques préexistants. On retrouvait ainsi 1 % de symptômes psychotiques dans une population de patients NT1, avec une aggravation de ces symptômes chez la moitié d’entre eux après la mise en place des traitements éveillants [7]. Le pitolisant pourrait avoir le moins d’interaction sur les symptômes psychotiques chez les patients narcoleptiques en théorie, du fait de son mécanisme d’action histaminergique, et non dopaminergique.

Dépression

On retrouve fréquemment des troubles dépressifs dans la narcolepsie ; et on observe comme dans la dépression une fragmentation du sommeil de nuit et une dysrégulation du SP. Dans une étude sur 297 patients NT1, 18 % présentaient des symptômes dépressifs modérés à sévères et 17 % avaient des idées suicidaires, l’inventaire de dépression de Beck (BDI) était plus élevé chez les NT1 par rapport aux contrôles, et chez les patients NT1 non traités par rapport aux patients traités [8]. L’obésité, une qualité de vie jugée moins bonne et un moins bon niveau éducatif étaient associés aux symptômes dépressifs. Les traitements antidépresseurs utilisés à visée anti-cataplectique dans la NT1 sont efficaces à des doses inférieures à celles utilisées dans la dépression.

Troubles affectifs saisonniers (TAS) et hypersomnie idiopathique (HI)

L’étude Hypersomnpsy a évalué les troubles de l’humeur chez 29 patients avec HI. On retrouvait un TAS chez 6 % des patients (contre 1,3 % en population générale). Chez ces patients, l’HI était plus sévère (score de sévérité de l’hypersomnie idiopathique [IHSS] plus élevé). La physiopathologie de l’HI et du TAS est mal connue, il pourrait y avoir un mécanisme commun impliquant le système circadien ; on retrouve en effet des anomalies, bien qu’inconstantes, dans le profil de sécrétion de mélatonine dans ces deux pathologies, mais ceci reste à être démontré.

Encadré – Rappels sur les hypersomnolences d’origine centrale [1].

Les hypersomnolences d’origine centrale constituent un groupe de pathologies neurologiques du sommeil dont le symptôme principal est la somnolence diurne excessive. On distingue sous ce nom les narcolepsies de type 1 et 2, l’hypersomnie idiopathique et le syndrome de Kleine-Levin. Sur le plan physiopathologique, la narcolepsie de type 1 (NT1) est l’hypersomnolence primaire la mieux comprise : elle est causée par un effondrement du taux d’un neurotransmetteur éveillant, l’orexine (ou hypocrétine), lié probablement à la perte sélective des neurones de la partie latérodorsale de l’hypothalamus le produisant, soit environ 80 000 neurones. De nombreux arguments plaident en faveur d’une origine auto-immune à cette destruction neuronale. Elle se manifeste cliniquement par la présence, en plus d’une somnolence diurne très sévère, de cataplexies, intrusion brutale d’atonie musculaire pendant la veille déclenchée par une émotion, souvent positive. Il existe également une altération du sommeil de nuit avec des éveils nocturnes, des paralysies du sommeil et des hallucinations hypnagogiques/hypnopompiques. Moins bien caractérisée, la narcolepsie de type 2 (NT2) se présente avec le même tableau clinique que la NT1, mais sans cataplexie. Entité nosologique, elle pourrait être due dans certains cas à une perte partielle des neurones à orexine. L’hypersomnie idiopathique (HI) est une maladie rare qui se manifeste par une somnolence diurne excessive, un allongement de la durée du sommeil nocturne et souvent une inertie pathologique au réveil. De physiopathologie inconnue, une possible atteinte de la régulation homéostatique et/ou circadienne du sommeil pourrait être en cause. Enfin, le syndrome de Kleine-Levin, aussi de physiopathologie inconnue, est une maladie rare du sujet jeune, souvent des garçons, qui se présente sous la forme d’épisodes récurrents associant hypersomnie, confusion, apathie et déréalisation. Ces poussées, d’une durée de quelques jours à plusieurs semaines, sont entrecoupées de périodes asymptomatiques de plusieurs mois, et tendent à se raréfier avec l’âge.

Accompagnement des patients avec une hypersomnolence d’origine centrale

Au cours des dernières années, des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) ont été développés dans les différents centres de référence et de compétence des narcolepsies et hypersomnolences centrales. L’ensemble des différents centres peut être retrouvé à l’adresse suivante : brain-team.fr/les-membres/les-centres-de-reference/crmr-narcolepsies-et-hypersomnies-rares. L’ETP vise à aider et accompagner les patients et leur entourage à mieux gérer la maladie en leur permettant d’acquérir les connaissances dont ils ont besoin. Plusieurs intervenants participent aux programmes d’ETP (infirmiers, assistantes sociales, psychologues, médecins…) afin d’évoquer les différents aspects de la maladie. Des programmes d’ETP pédiatriques ont également été mis en place, avec des outils adaptés (jeux ou dessins animés pédagogiques), et des ateliers centrés sur la transition entre centre pédiatrique et adulte pour les adolescents.
L’ANC, ou Association narcolepsie cataplexie et hypersomnies rares, a été fondée en 1986. Cette association de patients, présidée actuellement par Mme Manon Brigandet, accompagne les patients et leurs proches. Lors de cette session, des patientes de l’ANC sont intervenues et ont apporté leur témoignage : « Expertise du patient souffrant d’une hypersomnie rare ».

Year in review

Le Dr Laurène Leclair-Visonneau du CHU de Nantes a passé en revue une sélection d’articles marquants de l’année 2022-2023. Elle a évoqué notamment le délai diagnostique de la NT1 qui est en moyenne de 9,7 ans selon une étude européenne publiée en février 2022, et qui reste stable sur les 3 dernières décennies [9]. Les facteurs associés à un délai diagnostique plus long étaient — entre autres — un âge de début plus précoce des cataplexies, un plus long intervalle entre la survenue de la somnolence et l’apparition des cataplexies, une fréquence faible des cataplexies et le sexe féminin. Concernant les comorbidités dans la narcolepsie, l’étude CV-BOND (pour Cardiovascular Burden of Narcolepsy Disease) aux États-Unis publiée en juin 2023 a montré une incidence d’événements cardiovasculaires plus importante chez 12 860 narcoleptiques de types 1 et 2, versus 30 000 témoins. La survenue d’un AVC était notamment 1,7 fois plus fréquente chez les narcoleptiques par rapport aux contrôles, même après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaire [10].
Enfin, sur le plan du diagnostic, des outils alternatifs sont en cours d’étude, avec par exemple l’utilisation de la pupillométrie ou d’analyse automatique de la structure du sommeil de nuit et du tonus musculaire par une intelligence artificielle [11, 12]. Ces outils permettent la plupart du temps de distinguer les patients NT1 des autres patients, mais ne permettent pas encore de différencier les patients NT2 et HI.

Avancées récentes et futures de la thérapeutique des hypersomnolences centrales

Chez l’adulte

Le Pr Dauvilliers du CHU de Montpellier a abordé la prise en charge médicamenteuse des hypersomnolences centrales chez l’adulte. Il a souligné la nécessité de réévaluer régulièrement ces pathologies, dont la sévérité peut évoluer avec le temps, et qui ne doivent donc pas nécessairement être traitées à vie (en particulier la NT2). Les approches non médicamenteuses pour contrôler la somnolence doivent être privilégiées systématiquement (siestes programmées par exemple). Le choix du traitement médicamenteux est personnalisé, selon la plainte, et notamment conditionné par la présence de comorbidités (obésité, contraception, comorbidités psychiatriques, comorbidités cardiovasculaires, syndrome d’apnées du sommeil…). Le Pr Dauvilliers rappelle que les traitements existants ne permettent pas de normaliser complètement les patients narcoleptiques, et qu’il ne faut pas en faire un objectif thérapeutique. Il souligne l’importance du dosage de l’orexine, qui sera certainement une cible clé dans les futures prises en charge des patients atteints d’hypersomnolence centrale. En effet, des traitements agonistes des récepteurs-2 de l’orexine sont actuellement étudiés, avec des résultats préliminaires très prometteurs. Le danavorexton, agoniste des récepteurs-2 de l’orexine administré chez la souris narcoleptique, est très efficace sur l’éveil, et en intraveineux chez l’homme sur 15 jours, a permis une diminution spectaculaire de la somnolence subjective sur l’échelle de somnolence d’Epworth [14]. Les résultats de l’étude sur le TAK-994, premier agoniste des récepteurs-2 de l’orexine administré per os, viennent d’être publiés en juillet 2023 (postérieurement aux JNN) montrant une excellente efficacité sur la somnolence subjective et objective et sur la fréquence des cataplexies chez l’homme après 8 semaines de traitement. Toutefois, des effets secondaires hépatiques ont été rapportés chez huit patients parmi 73 exposés à la molécule, dont trois sévères justifiant un arrêt de l’étude [15]. Une nouvelle molécule, le TAK-861, a priori dépourvu d’effets secondaires hépatiques, est actuellement à l’étude dans la NT1 et la NT2. L’HI, qui n’a aucun traitement avec autorisation de mise sur le marché (AMM) actuellement, fait aussi l’objet d’études thérapeutiques en cours. Une étude internationale récente randomisée en double aveugle a permis de montrer l’effet d’une forme non salée d’oxybate de sodium (low sodium) dans l’HI [16], mais ce traitement n’est pas encore disponible en France. Une autre forme en prise unique d’oxybate (LUMRYZ) a été développée récemment dans la narcolepsie avec des résultats très intéressants, mais ce médicament n’est pas encore disponible en France.

Chez l’enfant

Concernant les traitements médicamenteux chez l’enfant, le Dr Lecendreux de l’hôpital Robert-Debré à Paris a rappelé que la NT1 est une maladie pédiatrique, avec un pic d’apparition vers l’âge de 15 ans. Le modafinil est un traitement éveillant souvent utilisé en première ligne dans la narcolepsie de l’enfant, mais cette prescription se fait actuellement hors AAM. Il en est de même pour les traitements antidépresseurs utilisés à visée anti-cataplectique. Les traitements disposant d’une AMM pour la narcolepsie avec ou sans cataplexie de l’enfant de plus de 6 ans sont le pitolisant, et l’oxybate de sodium chez l’enfant de plus de 7 ans avec une NT1. Ces deux traitements ont été étudiés dans des essais contrôlés randomisés contre placebo [17, 18]. Le pitolisant a obtenu cette année son indication en tant que traitement de première intention de la narcolepsie avec ou sans cataplexie. Le sodium oxybate est indiqué pour le traitement de la narcolepsie avec cataplexie chez les adolescents et les enfants à partir de 7 ans pharmacorésistants. Le sodium oxybate présente aussi l’intérêt de diminuer l’indice de masse corporelle (la problématique de surpoids ou d’obésité étant fréquente chez l’enfant narcoleptique) [19]. La contrainte principale du sodium oxybate est sa prise en deux doses (une première au coucher et une deuxième quelques heures après). Le méthylphénidate est aussi souvent utilisé, mais seule la forme LI 10 mg a l’AMM dans la narcolepsie avec ou sans cataplexie chez l’enfant de plus de 6 ans. 

Encadré – Les traitements éveillants dans les hypersomnolences d’origine centrale.

On distingue différentes classes de traitements éveillants pour la prise en charge des hypersomnolences d’origine centrale. Les modafinil, pitolisant et solriamfétol sont les traitements éveillants prescrits en première intention pour la somnolence dans la narcolepsie de l’adulte.
Le modafinil, dont le mécanisme d’action n’est pas entièrement connu, augmente les niveaux de dopamine extracellulaire par effet inhibiteur sur sa recapture. Sa posologie est de 100 à 400 mg/j en deux prises ; ce traitement réduit l’efficacité des contraceptifs hormonaux.
Le solriamfétol est un inhibiteur sélectif de la recapture de la dopamine et de la norépinéphrine, administré en doses de 75 à 150 mg/j, contre-indiqué en cas de pathologie cardiovasculaire instable.
Le pitolisant est un agoniste inverse du récepteur H3 (action histaminergique), avec une posologie de 9 à 36 mg/j. Aucun effet cardiovasculaire n’est associé. Il a également un effet bénéfique sur les cataplexies.
Le méthylphénidate agit sur la somnolence dans la narcolepsie, en bloquant les transporteurs de la dopamine et de la noradrénaline, augmentant ainsi la concentration de catécholamines dans les synapses. La posologie dans la narcolepsie est classiquement de 40 à 60 mg par jour en deux prises.
L’oxybate de sodium est un agoniste des récepteurs GABA-B dont l’effet principal est d’améliorer les cataplexies, la somnolence diurne ainsi que la continuité du sommeil de nuit. Il augmente la quantité de sommeil lent profond et diminue celle du SP. Il agit donc sur le mauvais sommeil de nuit, mais également sur la somnolence diurne et sur les cataplexies après plusieurs semaines. La posologie est de 4,5 g à 9 g/nuit en deux prises, le soir et en milieu de nuit. Ce traitement est contre-indiqué en cas de syndrome d’apnées obstructives du sommeil non traité et de troubles psychiatriques. Par ailleurs, sa prise peut être associée à des éveils confusionnels nocturnes et de l’énurésie. Le traitement peut aussi induire une perte de poids, ce qui peut être utile chez certains patients en surpoids ou obèses (30 % des adultes NT1 adultes, 50 % des NT1 enfants).
Comme traitement anti-cataplectique, les antidépresseurs tels que la venlafaxine et la fluoxétine sont fréquemment prescrits, mais sans niveau de preuve (consensus d’experts seulement).
Le traitement de la narcolepsie est très bien codifié, avec la publication récente de guidelines européennes et américaines [13]. De plus, un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) en France a été rédigé et validé récemment par la HAS, disponible gratuitement via ce lien : www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-10/texte_pnds_narcolepsies_annexes.pdf qui détaille les différents traitements médicamenteux et stratégies de prise en charge de ces pathologies rares.

Correspondance
Unité des troubles du sommeil et de l’éveil, CHU Gui de Chauliac,
80 avenue Augustin Fliche, 34295 Montpellier
Mail : claire-denis@chu-montpellier.fr, tugdual.adam@inserm.fr

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

Bibliographie

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