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Le #Metoohopital : un catalyseur pour faire bouger les lignes ?

Le contexte #MeToo

Le mouvement #MeToo trouve ses origines en 2006, lorsque l’activiste Tarana Burke a lancé cette initiative pour soutenir les victimes de violences sexuelles, en particulier les femmes noires et issues de milieux défavorisés. Son objectif était de créer une solidarité entre les victimes et de fournir des ressources pour le rétablissement et l’autonomisation.
Cependant, le mouvement a pris une dimension mondiale en octobre 2017, lorsqu’il a été popularisé par l’actrice Alyssa Milano. En réponse aux révélations sur les abus sexuels perpétrés par le producteur de cinéma Harvey Weinstein, Milano a encouragé les femmes à utiliser le hashtag #MeToo sur les réseaux sociaux pour partager leurs expériences de harcèlement et d’agressions sexuelles. Cette simple action a déclenché une vague massive de témoignages, révélant l’ampleur du problème à travers le monde.
Depuis, plusieurs corps de métier se sont emparés du sujet pour faire bouger les lignes en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

L’émergence du #Metoohopital

En avril 2024, le mouvement #Metoohopital a fait l’objet d’une attention accrue à la suite d’accusations de harcèlement sexuel et moral contre Patrick Pelloux, un médecin urgentiste bien connu en France. Ces révélations ont été publiées par plusieurs médias, dont une enquête détaillée de Paris Match. Karine Lacombe, une infectiologue de l’hôpital Saint-Antoine, a pris la parole pour dénoncer le comportement de Pelloux, le qualifiant de « prédateur sexuel »​.
Cette médiatisation a remis à l’ordre du jour un sujet longtemps controversé : la culture carabine qui règne dans le monde hospitalier médical en particulier. Elle trouve son origine il y a quelques siècles en France ; blagues graveleuses, fresques des salles de garde, bizutages, surconsommation d’alcool… des pratiques controversées souvent justifiées par un rapport particulier au corps humain et à l’intimité, un contexte de côtoiement du tragique et des conditions de travail particulières…

Le constat

Donner des ELLES à la Santé, association loi 1901, créée en 2020 par des médecins et directeurs d’établissement de santé, s’est emparée du sujet de la représentation des femmes à l’hôpital, dans les postes à responsabilité, dans la recherche, mais également des sujets des violences sexistes et sexuelles et autres discriminations.
Première association à avoir mis en lumière et en chiffres clés la situation réelle des hôpitaux par rapport à ces discriminations et aux violences sexistes et sexuelles, elle décrit les situations et le ressenti vécus par les médecins, femmes et hommes, à l’hôpital et propose des solutions pour y remédier.
Selon les chiffres 2023 de ce baromètre publié par l’institut Ipsos et l’association Donner des ELLES à la Santé, près de huit femmes médecins sur dix dans le secteur hospitalier ont été victimes de comportements sexistes et 30 % ont subi des gestes inappropriés (Fig. 1). Parmi les femmes qui ont dénoncé ces violences, moins de 20 % d’entre elles disent que des sanctions ont été prises par la hiérarchie de leur établissement.
« La situation est grave et évolue lentement, nos chiffres le montrent depuis plusieurs années, indique Marie-France Olieric, présidente de Donner des ELLES à la Santé. Cette prise de conscience que nous vivons actuellement, nécessaire, a permis de libérer la parole. Elle doit maintenant nous aider à passer à l’action afin que cesse l’impunité entretenue par le système dans certains établissements. »

Les actions menées par Donner des ELLES à la Santé

Les actions menées par l’association depuis plus de 4 ans s’articulent autour de plusieurs axes :
– continuer les actions de sensibilisation pour pouvoir nommer les situations et faire prendre conscience de ce qu’est une situation de violence sexiste et sexuelle : « on ne sait souvent pas qu’on est victime » est une phrase qui revient encore beaucoup trop ;
– rassembler tous les acteurs pour mettre en place et former les référents au sein des établissements permettant de faciliter les démarches pour les victimes ainsi que pour les témoins de ces actes ;
– travailler avec les étudiants depuis les bancs de la faculté pour que les jeunes générations n’aient pas à subir les mêmes difficultés que les précédentes, ainsi qu’avec les sociétés savantes ;
– collaborer avec tous les partenaires signataires de la charte égalité : DGOS, CNG, Unicancer, l’AP-HP, l’AP-HM, plus de 100 établissements de santé sur tout le territoire, plusieurs ARS… ;
– suivre l’évolution des chiffres avec le baromètre annuel réalisé par Ipsos.

Les propositions faites auprès du ministère de la Santé

Fin avril 2024, le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, rassemble les différents représentants des conférences de doyens, de syndicats d’étudiants, de représentants de professionnels de santé. Donner des ELLES y porte des actions concrètes pour faire bouger les lignes et mettre fin à l’impunité.
Actuellement, malgré les trois leviers de sanctions possibles (administrative, ordinale et judiciaire), le constat est sans appel : les sanctions restent exceptionnelles et les victimes non protégées.
Au-delà des paroles, la tolérance zéro réclamée par tous doit désormais se traduire par des actions concrètes pour sortir de l’entre-soi et amener à des sanctions effectives contre les auteurs de ces agressions.
Huit mesures ont été proposées sur le volet sanctions :
1. Établir et communiquer sur le détail des sanctions disciplinaires encourues en fonction du type de violences sexuelles et sexistes (VSS).
2. Assurer une refonte du conseil disciplinaire du CNG.
3. Garantir et respecter une indépendance totale des processus de sanctions de l’instance administrative, ordinale et judiciaire.
4. Déléguer la prise de mesures à l’encontre de médecins auteurs de VSS par les directions hospitalières même en l’absence de danger immédiat pour le fonctionnement du service.
5. Supprimer le vote exigé en commission médicale d’établissement restreinte pour la saisine du CNG en cas de praticien hospitalier auteur de VSS.
6. Chiffrer chaque année le nombre de signalements, le nombre de sanctions, et le délai moyen de gestion de ces dossiers. Publier les décisions rendues par les instances disciplinaires et ordinales.
7. Instaurer un suivi des victimes sur 3 ans en post-signalement pour garantir et s’assurer de l’absence de conséquences négatives sur leur carrière.
8. Renforcer les moyens pour établir les enquêtes administratives avec recours à des enquêteurs extérieurs à l’établissement.

Perspectives

Après avoir réuni tous les acteurs du terrain, le ministère de la Santé lance un plan d’actions de plusieurs axes annoncé par le ministre fin mai :
Axe 1 : renforcer les efficacités des enquêtes
o créer une équipe d’experts extérieurs à l’établissement
o coopérer avec les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Justice
Axe 2 : renforcer la formation
o former l’ensemble des professionnels de santé
o mettre l’accent sur la formation des maîtres de stage
Axe 3 : mieux accompagner les victimes en confiant à une association la mise en place d’un accompagnement pluridisciplinaire
Axe 4 : accroître la transparence
o rendre publics les signalements et les sanctions
o mettre en place un baromètre annuel des violences sexistes et sexuelles dans la santé

Une réunion de travail pour clarifier ces mesures et perspectives est prévue au ministère de la Santé. Donner des ELLES espère une concrétisation des différents éléments proposés par l’association et repris par le ministre ; une insistance particulière sur la tolérance 0 avec une mise en place de sanctions claires demeure néanmoins centrale pour éradiquer les VSS.
Prévenir, signaler, sanctionner ; l’association Donner des ELLES à la Santé reste mobilisée pour des mesures concrètes à ces trois niveaux, car l’heure n’est plus au constat, mais aux actions. n

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.