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Représentation des femmes en neurologie

Les inégalités de genre sont une problématique universelle, qui connaît un intérêt récent et croissant dans les débats de société. Ces inégalités affectent la société dans son ensemble, incluant l’accès à l’éducation, les salaires et l’accès aux professions supérieures. Le champ médical n’est pas indemne de ces biais, même si les modifications démographiques des dernières décades ont fait évoluer la situation des femmes en médecine. La neurologie continue à être le terrain d’inégalités hommes/femmes, notamment dans les carrières universitaires.

Démographie et formation

En France, le diplôme d’études spécialisées en neurologie est obtenu après 4 années d’internat s’ajoutant aux 6 années d’études de médecine. Pendant et après l’internat, plusieurs orientations et parcours sont possibles : parcours hospitalier, libéral, hospitalo-universitaire ou mixte. Ce parcours se dessine souvent au cours de l’internat et est conditionné par de multiples facteurs d’ordre professionnel (terrain de stage, formation scientifique, intérêt pour la recherche et la pédagogie), relationnel (mentorat, équipe soignante) ou familial (vie de famille, préférence d’exercice).

Les changements sociaux et démographiques débutés dans les années 1970 ont permis l’accès croissant des femmes aux études de médecine, devenues aujourd’hui majoritaires sur les bancs de la faculté. Cette évolution se poursuit et 65,2 % des néointernes de neurologie en 2022 sont des femmes (n = 88). Elles constituent 48,52 % des médecins en France et 52,35 % des neurologues. Cependant, dans la voie universitaire, elles occupent en 2022 60 % des postes de MCU-PH et uniquement 35 % de ceux de PUPH [1], démontrant la persistance d’un « plafond de verre », les femmes restant exclues des plus hauts postes universitaires.

Baromètre de l’association Donner des ELLES à la santé

Donner des ELLES à la santé est une association créée en 2020 pour construire avec les acteurs de la santé un environnement favorable pour faire progresser la parité en médecine. Cette association réalise chaque année avec l’entreprise de sondage Ipsos un baromètre se fondant sur un échantillon représentatif de médecins (500 participants).
Les résultats pour 2022 mettent en évidence que 85 % des femmes médecins se sont senties discriminées dans leur parcours, 66 % pensant que les hommes étaient plus sollicités pour des postes de représentation, 61 % verbalisant que pour un travail égal, les hommes étaient plus valorisés.
Ces aspects discriminatoires étant plus marqués chez les jeunes générations (étudiants en médecine et internes).
Un autre constat est ressorti de ce baromètre : 80 % des femmes rapportent avoir été victimes de propos sexistes et 77 % des hommes affirment avoir été témoins d’au moins un comportement sexiste envers une collègue femme.
Ces chiffres viennent s’ajouter à une faible représentation dans la hiérarchie médicale (24 % de femmes PU-PH, 22 % de doyennes de faculté de médecine et 10 % de PCME en CHU et 30 % en CH).

Particularités et obstacles dans les parcours féminins

La maternité

Tout projet de maternité a des conséquences d’une manière directe ou indirecte sur la carrière, surtout lorsqu’il intervient à une période charnière dans un parcours médical : le choix du type de carrière. En effet, à l’hôpital, une femme en congé maternité n’est aujourd’hui pas remplacée et il n’est pas rare qu’un projet de grossesse soit déconseillé à une femme par ses supérieurs hiérarchiques, en particulier lors des premières années après l’internat. “Une femme sera enceinte en moyenne 1 semaine par an tout au long de sa vie”, ce qui paraît bien dérisoire à l’échelle d’une carrière ; mais cette pause survient souvent lors des années décisives pour les jeunes femmes médecins. La maternité contribue ainsi à certaines disparités observées notamment dans les carrières hospitalo-universitaires nécessitant un engagement plus important et souvent portées par un système de mentorat rigoureux discriminant.

Barrières dans les carrières académiques

Malgré l’augmentation constante des taux d’inscription des femmes en faculté de médecine, les femmes médecins sont souvent sous-représentées dans les milieux universitaires et de la recherche, et la neurologie ne fait pas exception [2].
La progression d’une carrière universitaire repose sur la progression, la constitution d’appuis et d’un réseau, et sur la réussite académique.

Les publications

Une analyse récente des publications en neurologie montre que les femmes sont moins représentées dans la littérature malgré une démographie médicale plus importante en neurologie : entre 2020 et 2022, les femmes représentent 24,6 % des dernières auteures, 36,2 % des premières auteures et 35,8 % des auteures intermédiaires [3].
Pour aller plus loin, une étude retrouve des éléments de disparité en neurosciences plus largement avec 29 % de femmes premières auteures et 17,8 % de femmes en dernière auteure dans Nature, Neuroscience et Neuron [4].

Le mentorat

Un article paru dans Nature Communication en novembre 2020 incluant toutes les spécialités médicales concluait à de faibles chances de réussite académique d’un binôme de femmes qu’un binôme homme/homme, et que la présence d’une figure masculine au sein du binôme au moins était gage de réussite. Ne prenant pas en compte les biais menant à une telle observation, cet article a été rétracté depuis. Il prouve néanmoins l’importance du mentorat dans un parcours de recherche aboutissant à une carrière hospitalo-universitaire.

Perspectives

Les données spécifiques à l’expérience des femmes durant l’internat et la pratique en neurologie restent rares. Il est donc actuellement prioritaire de documenter cette problématique pour évaluer et mettre en place les changements nécessaires.
Mesurer et chiffrer pour comprendre et constater est donc une priorité pour pouvoir se fixer des horizons paritaires dans un sens comme dans l’autre.

Mesures pouvant être évoquées

- Une politique favorable à l’équilibre vie professionnelle/vie de famille qui devrait être bénéfique aux deux genres (remplacement des congés maternité, équilibration des congés maternité et paternité pour lever le biais de sélection, jours enfant malade).
- Des formations au sein des enseignements et des sociétés savantes sur les biais de genre, notamment implicites, afin de sensibiliser les différents comités, jurys ou chefs de service sur ces inégalités peu connues.
- L’égalité dans les salaires, avec des politiques transparentes au sein des établissements de santé.
- L’atteinte d’une parité dans les postes clés à haute responsabilité, lors des congrès ou dans les comités éditoriaux de revue.
- Promouvoir le mentorat pour contribuer à l’investissement, la motivation et l’épanouissement des mentorées : limiter l’autocensure et briser le plafond de verre.

En conclusion, l’équité et la parité sur le lieu de travail profitent à tous et il incombe aux hommes et aux femmes d’y parvenir. Pour que la neurologie reste une carrière attrayante pour tous les futurs médecins, nous devons montrer la voie en éliminant les obstacles et en donnant la priorité à la parité de genre et l’égalité des chances.

Les auteures déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

Bibliographie

1. ASIP-Santé RPPS, traitements Drees. Données au 1er janvier 2022.
2. Rosso C, Leger A, Steichen O. Plafond de verre pour les femmes dans les carrières hospitalo-universitaires en France. Rev Méd Int 2018 ; 40.
3. Nguyen AX, Yoffe L, Li A et al. Gender Gap in Neurology Research Authorship (1946-2020). Front Neurol 2021 ; 12 : 715428.
4. Dubey D, Sawhney A, Atluru A et al. Trends in authorship based on gender and nationality in published neuroscience literature. Neurol India 2016 ; 64 : 97–100.