AAN 2025

L'expertise scientifique

AAN 2025

Prévenir et soigner la démence des patients âgés diabétiques : et si les antidiabétiques faisaient l’affaire ?

Résumé
Chez la personne âgée, le diabète de type 2 augmente significativement le risque de développer des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer. Les mécanismes de la dégénérescence des neurones, avec la formation de la plaque sénile, seraient déjà mis en place lorsque la résistance à l’insuline se développe au cours du vieillissement. Ce serait ensuite la progression de la résistance à l’insuline vers le diabète qui accélérerait la mort des neurones, et ainsi le développement des troubles cognitifs. La mort de ces neurones dans le diabète emprunte les mêmes mécanismes cellulaires responsables de la destruction des cellules productrices de l’insuline. Cette découverte a fait émerger un nouveau paradigme thérapeutique. Les mêmes anti-diabétiques qui antagonisent les processus de la mort des cellules productrices de l’insuline pourraient peut-être faire de même sur les neurones et ainsi les sauver de la dégénérescence. Les études qui s’accumulent à ce jour semblent conforter cette hypothèse. Alors que la metformine semble ne pas encore convaincre, plusieurs études précliniques et cliniques convergent pour révéler le potentiel de certains anti-diabétiques comme les agonistes au récepteur du GLP-1 (liraglutide, dulaglutide et exénatide), les inhibiteurs de la DPP-4 (sitagliptine) et les inhibiteurs de SGLT2 (empaglifozine), comme médicaments prometteurs à réduire et à retarder significativement la survenue de démence, et même à améliorer les fonctions cognitives chez les personnes âgées.

Abstract: Dementia and diabetes in elderly patients
Type 2 diabetes increases the risk of developing dementia as in Alzheimer’s disease in elderly. The mechanisms responsible of the neuronal degeneration, with the formation of senile plaque, would appear insulin resistance develops during aging. Progression of insulin resistance towards diabetes, could accelerate the death of neurons, and thus causing cognitive decline. Neuronal death in diabetes involves the same cellular mechanisms responsible for the destruction of insulin-producing cells. This discovery has led to a new therapeutic paradigm. The same antidiabetics which antagonize the death processes of insulin-producing cells could do the same on neurons and thus, could save them from degeneration. So far, several studies support this hypothesis. While the effect of metformin is not yet convincing, several preclinical and clinical seem to reveal the potential of GLP-1 receptor agonists (liraglutide, dulaglutide and exenatide), DPP-4 inhibitors (sitagliptin) and SGLT2 inhibitors (Empaglifozin), as promising drugs to significantly reduce and delay the onset of dementia, and even to improve cognitive functions, especially in the elderly.

Introduction

C’est en 2015 que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait état dans son rapport, pour la première fois, de l’existence du lien entre le diabète et la démence [1]. Depuis, ce lien ne cesse d’être démontré. Une méta-analyse regroupant plus de 2 millions de diabétiques montre que le diabète de type 2 (DT2) augmente le risque de maladies neurodégénératives de 60 % [2]. Chez les diabétiques de type 1 (DT1), le risque est encore plus important. Il est de 96 % si la glycémie n’est pas contrôlée [3]. Cette association entre le diabète et la démence augmente avec l’âge. Chez les DT2, elle touche 8 % des patients entre 65 et 74 ans et 18,3 % des plus de 75 ans. Compte tenu de la hausse de la prévalence du DT2, attendue en raison du vieillissement progressif de la population, ces chiffres devraient par conséquent progresser avec les répercussions attendues sur le risque de mortalité, de dépendance fonctionnelle et d’institutionnalisation. Face à ce problème, il est urgent de mesurer l’incidence de la prise en charge des patients diabétiques sur le risque de la neurodégénérescence et de démence qui pourrait donner lieu à des futures recommandations et au repositionnement de certains médicaments antidiabétiques.

Résistance à l’insuline et amyline

La résistance à l’insuline, qui se développe lors du vieillissement, favorise un excès d’amyline dans le cerveau et prépare ainsi le terrain à la formation de la plaque sénile. En général, le DT2 se développe chez des personnes dites pré-diabétiques, c’est-à-dire présentant une résistance à l’insuline, souvent associée avec une obésité abdominale et plusieurs autres troubles métaboliques, comme l’hypertension, des triglycérides élevés et un faible taux de HDL.
L’un des facteurs de risque de la résistance à l’insuline est aussi la fonte musculaire. La perte de la masse musculaire est pratiquement inévitable au cours du vieillissement, notamment après 50 ans, atteignant, pour certains, le seuil de la sarcopénie. Le lien entre la sarcopénie et le risque de DT2 est établi. Une étude longitudinale anglaise réalisée sur près de 6 000 personnes confirme la relation entre la sarcopénie, au regard de la force de préhension, et le risque de DT2 [4]. Plus la force de préhension est élevée chez les personnes âgées, plus le risque de DT2 se réduit [4]. L’accumulation de dépôts de graisses dans les muscles, souvent associée à la sarcopénie, serait l’une des causes de la défaillance métabolique des cellules musculaires, entraînant leur résistance à l’insuline [5]. Cette perte de la sensibilité à l’insuline est normalement compensée par une augmentation de la production de l’insuline par les cellules bêta sécrétrices de l’insuline du pancréas. Surtout, en même temps que l’insuline est sécrétée, les cellules bêta augmentent la production de l’amyline, une hormone au rôle anorexigène et hypoglycémiant. En effet, dans la cellule bêta, l’amyline est sécrétée en même temps que l’insuline, car les deux hormones sont présentes dans les mêmes granules. L’amyline est la protéine qui est à l’origine de l’amylose pancréatique, retrouvée chez la majorité des patients DT2. En outre, l’amyline traverse la barrière hématoencéphalique. L’hormone a été retrouvée dans le cerveau comme l’un des constituants, avec l’amyloïde b, de la plaque sénile chez les patients diabétiques atteints de la maladie d’Alzheimer [6]. La surproduction de cette hormone dans le cerveau au cours de la résistance à l’insuline serait possiblement l’un des premiers signes avant-coureurs de la formation de la plaque sénile (Fig. 1).

Figure 1 – La plaque sénile prépare dès le stade de la résistance à l’insuline. Chez les personnes âgées, la fonte musculaire et l’accumulation de la masse graisseuse augmentent le risque d’une résistance à l’insuline périphérique, ce qui favoriserait la production de l’amyline. Comme l’insuline, l’amyline traverse la barrière hématoencéphalique et se retrouve dans le cerveau. Avec la résistance à l’insuline périphérique, l’hyperinsulinémie chronique pourrait diminuer la sensibilité à l’insuline des neurones. La résistance à l’insuline des neurones favorise la production de l’amyloïde b. Chez les diabétiques, l’hyperglycémie transforme l’amyline en peptides insolubles faisant des agrégats qui se déposent dans le pancréas. Ces agrégats sont reconnus pour être toxiques pour les cellules bêta. Dans le cerveau, l’hyperglycémie empêche la dégradation et l’élimination de l’amyloïde b. L’hyperglycémie favorise aussi la formation des enchevêtrements neurofibrillaires. L’amyloïde b, qui s’accumule, forme aussi des agrégats s’associant aux agrégats d’amyline. La plaque sénile, ainsi formée, va progressivement détruire les neurones et induire le déclin des fonctions cognitives.

Le lien avec la plaque amyloïde

La surproduction de l’amyline pancréatique est suivie par l’accumulation de l’amyloïde b dans le cerveau. Mais est-ce encore un effet de la résistance à l’insuline ? Si l’augmentation de la production de l’insuline permet de compenser la résistance à l’insuline, et de réguler ainsi la glycémie, l’hyperinsulinémie chronique devient nocive pour les organes, notamment les neurones. Comme l’amyline, l’insuline passe la barrière hématoencéphalique. L’une des actions de l’insuline est de favoriser l’élimination de produits de la dégradation et du recyclage de la protéine précurseur amyloïde (PPA), comme l’amyloïde b [7]. Au cours du vieillissement, l’action de l’insuline décroît dans les neurones, en raison de l’hyperinsulinémie sanguine chronique [8]. L’exposition chronique des neurones à un excès d’insuline rend les cellules résistantes à l’hormone. De plus, la surexposition des neurones à l’insuline stimulerait leur excitabilité avec, comme conséquence, une augmentation de la sécrétion de l’amyloïde b. Ainsi, au cours du vieillissement, la diminution de la sensibilité à l’insuline des neurones serait à l’origine d’un surcroît de production de l’amyloïde b qui, avec un excès d’amyline, va forger le terrain de la formation de la plaque sénile (Fig. 1).

Hyperglycémie et agrégats d’amyloïde

C’est l’hyperglycémie qui déclencherait la formation des agrégats d’amyloïde et ainsi de la plaque sénile dans le cerveau. Si la résistance à l’insuline favorise l’accumulation de l’amyline et de l’amyloïde b dans le cerveau, c’est l’hyperglycémie qui déclencherait l’agrégation des deux molécules et leur association pour former la plaque sénile, appelée aussi plaque d’amyloïdes. Cette hypothèse provient des résultats obtenus à partir de recherches précliniques. Sans hyperglycémie, l’amyline pancréatique ne forme pas d’agrégats insolubles et n’est pas toxique. En revanche, l’hyperglycémie provoque la formation des agrégats et leur dépôt. Dans le cerveau, l’hyperglycémie empêche l’élimination de l’amyloïde b, entraînant ainsi une suraccumulation, qui serait propice à une interaction avec l’amyline. L’apparition du diabète chez les personnes âgées résistantes à l’insuline pourrait être le facteur déclencheur de la formation de la plaque sénile, possiblement formée par l’association de l’amyloïde b et de l’amyline.
La plaque sénile est en grande partie responsable de la mort des neurones, provoquant ainsi leur dégénérescence [6]. En plus d’accélérer la formation des agrégats, l’hyperglycémie chronique pourrait aussi être impliquée dans l’hyperphosphorylation de Tau [9]. La forme hyperphosphorylée de Tau forme des agrégats intracellulaires enchevêtrés, appelés aussi enchevêtrements neurofibrillaires. Ce type d’agrégats est aussi impliqué dans la neurodégénérescence. La mort des neurones induite par la plaque sénile et les enchevêtrements neurofibrillaires emprunte les mêmes mécanismes responsables de la mort des cellules bêta.

Réduction de l’hyperglycémie sanguine

Réduire l’hyperglycémie sanguine ne suffit pas à diminuer le risque de démence. Du fait de son rôle sur la formation des agrégats intra-cellulaires et d’amyloïde, la réduction de l’hyperglycémie et l’amélioration du contrôle glycémique ont longtemps été considérées comme les cibles thérapeutiques pour réduire le déclin cognitif et le risque de démence. En effet, si la glycémie diminue, la formation des agrégats pourrait être empêchée et, ainsi, les neurones pourraient être sauvés. Malheureusement, plusieurs études rapportent que la baisse de la glycémie exercée par les antidiabétiques ne réduit pas le risque de démence. Les études qui ont été réalisées avec l’acarbose, par exemple, soulignent l’insuffisance de l’action hypo-glycémiante sur le risque de démence (Tab. 1). L’acarbose est un antidiabétique oral qui diminue ­l’absorption intestinale du glucose en inhibant l’enzyme intestinale ­l’alpha-glucosidase. Après administration orale, seulement 1 à 2 % d’acarbose se retrouve dans le sang. Ainsi, il réduit la glycémie principalement en bloquant l’absorption du glucose. Dans les études cas-témoins populationnelles et rétrospectives sur plus de 15 000 patients, traités avec de l’acarbose, toutes révèlent que l’utilisation de ce médicament ne réduit pas le risque de démence (Tab. 1). De même, une augmentation périphérique de la concentration de l’insuline, soit par le biais d’injections sous-cutanées, soit par la prise des sulfonylurées, ne réduit pas le risque de démence (Tab. 1). Les sulfonylurées (ex. : gliclazide et glibenclamide) sont des médicaments largement prescrits, qui présentent une capacité marginale de pénétration dans le cerveau. L’effet anti-hyperglycémiant de ces médicaments ne suffirait donc pas à empêcher la dégénérescence des neurones, et ainsi le risque de démence. Pire, dans une étude suédoise, l’insulinothérapie est montrée comme aggravant le risque [10].

Pistes thérapeutiques

Améliorer la sensibilité à l’insuline des neurones, une stratégie possible, mais pas encore confirmée. La baisse de la glycémie n’étant pas une bonne stratégie, une autre piste a été explorée, celle de réduire la production de l’amyloïde b, en améliorant la sensibilité à l’insuline des neurones. En général, une augmentation de la concentration sanguine périphérique de l’insuline améliore la sensibilité à l’insuline des organes résistants à cette hormone. Cependant, pour les neurones, ni l’insulinothérapie, ni l’augmentation de la production de l’insuline périphérique en utilisant les sulfonylurées n’ont montré d’efficacité sur le risque de démences dans les études parues à ce jour. Cet échec pourrait provenir de la faible disponibilité de l’insuline au niveau du cerveau. En effet, l’insuline est très peu disponible dans le cerveau, même lorsqu’elle est fournie par injection, car elle est immédiatement utilisée par les organes périphériques. En revanche, si l’insuline est administrée par la voie nasale, des résultats prometteurs ont été observés. L’administration intranasale d’insuline augmente par un facteur 2 000 la quantité d’insuline dans le cerveau par rapport à l’injection sous-cutanée [11]. Des méta-analyses couvrant tous les travaux réalisés sur les effets de l’insuline intranasale sur les fonctions cognitives et le risque de démences indiquent un effet bénéfique possible de l’insuline (Tab. 1). Ces effets seraient même notables avec des doses relatives d’insuline à 20 UI (Tab. 1). Des études cliniques randomisées à grande échelle sont aujourd’hui encore manquantes pour confirmer le bénéfice de ­l’insulinothérapie intranasale sur la neurodégénérescence et le risque de démence.
La metformine, chef de file des biguanides, est le seul insulinosensibilisateur prescrit en France. C’est le médicament de première intention qui améliore la sensibilité à l’insuline en agissant sur l’AMPK, une enzyme cellulaire qui diminue la synthèse des lipides et la production hépatique du glucose. Les neurones sont aussi pourvus de l’AMPK et la metformine passe la barrière hématoencéphalique [12]. Les résultats des travaux de recherche sont très prometteurs. La metformine améliore la sensibilité à l’insuline des neurones [13], réduit la production de l’amyloïde b, la phosphorylation de Tau [14], l’inflammation [15] et protège les neurones contre la mort provoquée par les mécanismes observés dans les maladies neurodégénératives [16]. Dans les modèles précliniques de diabète avec des troubles cognitifs associés, la metformine améliore les fonctions cognitives [14, 17]. Malheureusement, chez l’homme, les résultats ne convainquent pas encore, même si de nombreuses études transversales populationnelles montrent un bénéfice de la prise de la metformine contre le risque de démence (Tab. 1). À ce jour, il n’y a donc pas encore assez de preuves solides d’un effet protecteur de la metformine sur le risque de démence.

Les incrétinomimétiques et les incrétinopotentiateurs

Traiter les neurones avec les incrétinomimétiques et les incrétinopotentiateurs, la stratégie la plus prometteuse contre la dégénérescence des neurones. Certains antidiabétiques comme les agonistes du récepteur du GLP-1 (aGLP-1R), appelés aussi les incrétinomimétiques (ex. : BYETTA, BYDUREON, VICTOZA, TRULICUTY), et les inhibiteurs de la DPP-IV (ex. : JANUVIA, XELEVIA, GALVUS, ONGLYZA, TRAJENTA, VIPIDIA), ont le potentiel d’arrêter la mort des cellules bêta dans le diabète. En plus d’augmenter la sécrétion de l’insuline, ces deux classes de médicaments protègent les cellules bêta en contrecarrant les voies de stress qui déclenchent la mort des cellules. Les inhibiteurs de la ­DPP-4 augmentent la durée de vie du GLP-1 endogène produit par l’intestin pendant le repas. Ainsi, les inhibiteurs de la DPP-4 agissent indirectement via le GLP-1 endogène, c’est la raison pour laquelle on le nomme parfois comme les incrétinopotentiateurs. Ainsi, comme pour les aGLP-1R, c’est par le récepteur du GLP-1, présent à la surface des cellules bêta, que les inhibiteurs de la DPP-4 protège les cellules bêta. Comme les mêmes voies de la mort cellulaire sont induites par les agrégats d’amyloïde et que les cellules expriment le récepteur au GLP-1, l’effet de ces antidiabétiques sur le risque de démence a été recherché. Cette recherche est aussi appuyée par le fait que presque tous les aGLP-1R, à l’instar du liraglutide, peuvent traverser la barrière hématoencéphalique. Les résultats des études observationnelles réalisées à ce jour sont positives. Le risque de démence est plus faible pour les patients traités avec les aGLP-1R (principalement le liraglutide) ou les inhibiteurs des DPP-4, en particulier ceux qui passent la barrière hématoencéphalique (Tab. 1). Ces résultats prometteurs, s’ils sont confirmés, pourraient faire de ces médicaments des candidats pertinents pour le traitement de la démence des patients diabétiques âgés. Attention toutefois à leurs effets secondaires digestifs sur la perte d’appétit, et ainsi la perte de poids, qui font que ces médicaments, dont le prix demeure encore élevé, sont réservés aux diabétiques en surpoids et obèses. Avec ces médicaments, il y a donc un risque possible de majorer une dénutrition latente dans la population âgée. Dans une population gériatrique polymorbide et sujette à la dénutrition, la question de la prise en charge des maladies neurodégénératives des personnes âgées diabétiques par les aGLP-1RA actuels sera nécessairement pondérée.

Les inhibiteurs de SGLT2

Les iSGLT2 (gliflozines) sont une autre piste possible de médicaments pour lutter contre la dégénérescence des neurones. Ce sont les antidiabétiques oraux les plus récents (ex. : canagliflozine, dapagliflozine et empagliflozine). Ils diminuent la glycémie en empêchant la réabsorption rénale du glucose par l’inhibition du transporteur du glucose SGLT2. Outre leur effet hypoglycémiant, ces médicaments offrent aux patients une protection cardiovasculaire et rénale reconnue. La prise de ces médicaments ralentit la progression de l’atteinte rénale, améliore le pronostic cardiovasculaire et le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les inhibiteurs de SGLT2, non seulement ciblent le transporteur SGLT2, mais aussi cibleraient l’acétylcholinestérase (ACE) [18], une enzyme neuronale dont l’inhibition a été identifiée comme une stratégie thérapeutique de la maladie d’Alzheimer. Le fait que ces inhibiteurs SGLT2 traversent la barrière hématoencéphalique soutient leur action sur l’ACE et a un effet sur le risque de démence. Les études réalisées à ce jour corroborent cette hypothèse (Tab. 1). En effet, les inhibiteurs de SGLT2 réduisent le risque de démence. Dans une étude, le bénéfice de ces médicaments a même montré qu’il était supérieur à celui des inhibiteurs de la DPP-4 [19]. Les inhibiteurs de SGLT2 sont donc prometteurs. Néanmoins, attention aux potentiels effets secondaires reconnus des inhibiteurs de SGLT2. Ces médicaments provoquent des glucosuries et augmentent le risque d’infections génitales et urinaires. Chez la personne âgée, outre le risque de déshydratation et d’hypotension orthostatique, ces molécules peuvent induire une perte calorique, sujette à péjorer un état nutritionnel déjà précaire.

Conclusion

Aujourd’hui, les études révèlent deux stratégies possibles pour lutter contre la dégénérescence des neurones et, ainsi, le déclin cognitif et le risque de démence. La première, révélée par les incrétinomimétiques et incrétinopotentiateurs, serait de contrecarrer le mécanisme de la mort neuronale. Cette stratégie est pertinente, car elle s’applique aux patients dont les fonctions cognitives sont déjà affectées et ceux avec une démence avérée. Chez les patients diabétiques, les injections sous-cutanées ou la prise orale des incrétinomimétiques ou incrétinopotentiateurs sont peut-être suffisantes pour acheminer les drogues au niveau du cerveau pour protéger les neurones. En revanche, il faudra sans doute concevoir une délivrance moins systémique, comme la voie intranasale, afin d’éviter les effets secondaires et non désirés de ces médicaments dans la population gériatrique fragile. Cependant, ce mode de délivrance n’enlèvera sans doute pas l’effet central anorexigène, ajoutant un risque d’aggraver la précarité nutritionnelle chez certains patients. Ce critère du risque de dénutrition entrera dans la balance bénéfice/risque du choix de ces médicaments.
L’autre stratégie consiste à améliorer la sensibilité à l’insuline des neurones, l’une des causes de la production de l’amyloïde b. Cette stratégie pourrait être complémentaire de la première. Empêcher la dégénérescence des neurones tout en améliorant leur fonction serait optimal pour recouvrer les fonctions cognitives. Cependant, il manque encore des études randomisées pour confirmer ou infirmer l’intérêt de la metformine, chef de file des biguanides, seuls insulinosensibilisateurs autorisés en France. Néanmoins, les résultats des études précliniques réalisées avec la metformine pourraient au moins confirmer l’importance des règles hygiéno-diététiques dans le traitement de la maladie. En effet, l’amélioration du régime alimentaire, l’augmentation de l’activité physique et la pratique de l’exercice physique sont reconnues pour avoir un effet notable sur la résistance à l’insuline des patients diabétiques, y compris chez la personne âgée. À ce jour, des résultats de méta-analyse tendent à confirmer l’impact positif de l’exercice physique [20] et de certains régimes [21], comme le régime méditerranéen, sur le déclin cognitif et le risque de démence. En attendant les innovations thérapeutiques de la neurodégénérescence, les données actuelles montrent que la lutte contre les maladies neurodégénératives passe par une meilleure prise en charge de la population gériatrique diabétique.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec le contenu de cet article.

Bibliographie

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