L'expertise scientifique

14e Réunion du groupe PEPS – Marqueurs biologiques de sclérose en plaques

Quatre grands types de biomarqueurs sont directement liés à la maladie. Au sein de la population générale, des marqueurs de risque de sclérose en plaques sont bien établis, comme les antécédents familiaux de SEP (A). Les marqueurs diagnostiques de SEP ont évolué régulièrement, maintenant définis par la dernière révision des critères en 2017 (B). Les marqueurs d’activité de la SEP ont un rôle très important dans le pronostic et le choix des traitements (C). L’IRM et les marqueurs biologiques inflammatoires, d’activité immunitaire ou de neurodégénérescence y ont une place de choix. Enfin, des marqueurs de réponse aux traitements sont utiles à l’évaluation des thérapies de la SEP.

Les principaux marqueurs de SEP identifiés sont impliqués dans la physiopathologie de la maladie. Principalement issus du LCR, ils sont en rapport direct avec les mécanismes en jeu dans la SEP. La sécrétion d’anticorps dans le LCR (bandes oligoclonales — BOC — et élévation des chaînes légères libres kappa), des molécules d’adhésion (CD27) ou des cytokines et des chémokines (CXCL13), représentent les principaux marqueurs d’activation immunitaire de la SEP en périphérie. Sont identifiés également des marqueurs de rupture de la barrière hémato-encéphalique (métalloprotéinases), de démyélinisation (MBP, MOG), d’activation astrocytaire et microgliale (GFAP, chitinases). Enfin, les marqueurs d’atteinte axonale et neuronale (neurofilaments) ont émergé récemment et sont importants dans le suivi de la maladie.

Selon les phases de la maladie, on pourra analyser les biomarqueurs importants parmi les facteurs de risque, les marqueurs de dépistage, les marqueurs diagnostiques et pronostiques.
Après avoir fait le point sur les différents types de biomarqueurs de SEP connus et leur importance relative à différents stades de la maladie, plusieurs questions apparaissent fondamentales. Nous allons voir ensemble si les facteurs de risque de SEP peuvent constituer des biomarqueurs potentiels, s’il existe des marqueurs de dépistage de cette pathologie, quels marqueurs diagnostiques et pronostiques de SEP sont validés, comment les utiliser en pratique et quels marqueurs prédisent le risque d’effet secondaire grave sous traitement.

Les principaux facteurs de risque de SEP sont des facteurs génétiques et environnementaux. L’hérédité au sens large ainsi que de nombreux gènes conditionnent le risque de SEP dans la population. Ces derniers influencent également l’effet de certaines hormones, de l’obésité et de la vitamine D sur le risque de SEP. Tabagisme et infection à EBV, en particulier en cas de mononucléose infectieuse, sont également impliqués. Tous ces facteurs de risque peuvent se combiner de manière synergique et amplifier le risque de la maladie.
Ces facteurs de risque sont également impliqués dans l’activité de la maladie, souvent étudiée sous l’angle de la conversion en SEP cliniquement définie (CDMS) après un syndrome cliniquement isolé (CIS). Ce phénomène indique un continuum entre l’intensité du dérèglement immunitaire à l’origine de la SEP et l’activité de la maladie.
Ainsi, on observe une influence du sexe, de l’âge, de l’origine ethnique, de l’infection à EBV, du taux sanguin de vitamine D ou du tabagisme sur les poussées.

Plus précocement, au stade du syndrome radiologique isolé (RIS) défini uniquement par l’IRM (critères d’Okuda 2009), on observe déjà un intérêt des biomarqueurs à ce stade présymptomatique de la SEP. L’analyse du LCR révèle fréquemment la présence de bandes oligoclonales (BOC), une élévation de chitinase 3-like protein 1 (CHI3L1) et des neurofilaments dans le LCR. Toutefois, aucun biomarqueur biologique de SEP n’est assez sensible et spécifique pour permettre un dépistage de la maladie à grande échelle.

Venons-en maintenant aux marqueurs diagnostiques de SEP. Le mieux caractérisé d’entre eux reste les bandes oligoclonales (BOC).
Une méta-analyse regroupant 71 articles (2 685 CIS) montre l’importance des BOC pour prédire la conversion en CDMS, avec un facteur 10 par rapport à l’absence de BOC. Ainsi, la dernière révision des critères diagnostiques de McDonald a réintégré le LCR dans le diagnostic de SEP comme élément de dissémination temporelle. En effet, la présence de BOC reflète l’activation lymphocytaire B chronique dans les méninges, qui reste rare dans les autres maladies inflammatoires du SNC, associé à une excellente sensibilité (90-95 %) et une grande spécificité (environ 80 %).
Plus récemment, l’étude des chaînes légères libres kappa (CLLk) dans le LCR a montré une meilleure sensibilité et spécificité que les BOC pour prédire la conversion en CDMS chez les CIS. Il permet en particulier d’obtenir un résultat quantitatif indépendant de l’analyse qualitative des BOC, parfois difficile à analyser.
Ces résultats doivent toutefois être confirmés par d’autres études et le seuil quantitatif d’élévation de CLLk mieux défini.

Marqueurs pronostiques de SEP et marqueurs pronostiques aux différents stades de la maladie sont souvent confondus. Ils reflètent globalement l’activité inflammatoire de la SEP (poussées) et la neurodégénérescence (progression du handicap). Dès le stade RIS, on observe des marqueurs épidémiologiques (âge), radiologiques (IRM) ou électrophysiologiques (PEV) prédictifs de conversion en CDMS. BOC et élévation de neurofilament-light chain (NF-L) dans le LCR prédisent la conversion en CDMS également. Aucun biomarqueur n’a montré son intérêt à ce jour pour prédire le passage en forme progressive d’emblée au stade RIS.

Au stade CIS, la cohorte barcelonaise a bien démontré l’intérêt des BOC pour prédire la conversion en CDMS, quoique de manière moins spectaculaire que la présence de lésions inflammatoires en IRM.
Dans un article regroupant 813 CIS, un taux élevé de CHI3L1 (> 170 ng/ml) dans le LCR est un facteur de risque de conversion en CDMS, mais avec toutefois un poids assez faible (HR = 1,61). Dans cette étude, un taux élevé de CHI3L1 dans le LCR est également associé à un risque de progression de handicap (HR = 3,8) et d’atteinte du niveau de handicap EDSS 3.0. Cette protéine impliquée dans le remodelage de la matrice extracellulaire témoigne de l’intensité de l’inflammation et de l’activation astrocytaire, microgliale et macrophagique.
D’autres chitinases (CHI3L2 et chitotriosidase) ont également été associées à un risque de conversion plus important (HR = 2,19 pour CHI3L2).

Plus récemment, CD27, une molécule d’adhésion associée aux lymphocytes B mémoire impliqués dans l’activation des lymphocytes T, a été identifiée comme biomarqueur de SEP progressive. Un taux élevé de CD27 dans le LCR (> 31,4 U/ml) est aussi associé à un taux annualisé de poussées plus élevé et prédit la conversion en CDMS.
Les neurofilaments, constituants du cytosquelette des neurones et marqueurs de l’atteinte axonale, ont été de plus en plus étudiés ces dernières années, surtout grâce au développement d’anticorps spécifiques contre neurofilament–light chain (NFL). Dans le LCR, NFL est associé à un risque de conversion en CDMS chez les CIS, mais avec un effet faible comparé aux BOC ou aux données de l’IRM.

L’atteinte axonale est également en lien avec la neurodégénérescence. Ainsi, un taux élevé de neurofilament-heavy chain (NFH) dans le LCR est corrélé à la progression de l’EDSS à court terme (3 ans) et à long terme (15 ans).
De plus, l’émergence de techniques de dosage ELISA plus sensibles (électrochemiluminescence et single molecule array – Simoa), a permis d’abaisser le seuil de détection de NFL à moins de 1 pg/ml dans le sérum des patients atteints de SEP (sNFL). Dans une série de 581 CIS suivis plus de 3 ans, un taux élevé de NFL dans le sérum est associé aux poussées précédentes, au taux annualisé de poussées avant le prélèvement et dans les 2 ans de suivi. L’importance de l’influence de NFL est surtout visible pour les hauts percentiles (les 5 à
20 % des patients ayant les taux les plus élevés). sNFL est également associé à une progression récente du handicap (EDSS) et au risque de progression de l’EDSS lors du suivi.

En référence à la classification de Lublin définissant les formes de SEP selon la présence d’une maladie active ou d’une maladie progressive, ou de l’association des deux phénomènes, nous pouvons également définir des marqueurs d’activité de la SEP et des marqueurs de progression, car ces phénomènes présents dès le début de la SEP conditionnent le risque de handicap.
Au total, nous pouvons dresser un tableau résumé des biomarqueurs sanguins et du LCR les plus importants, où dominent les bandes oligoclonales et NFL.

Les marqueurs de réponse thérapeutique ont été étudiés sous divers aspects. D’un point de vue pharmacogénomique, les interférons bêta ont une efficacité associée à différents biomarqueurs inflammatoires génétiques (HLA DRB1), moléculaires (MMP9, BAFF) ou cellulaires (CD56 bright NK cells) et à des marqueurs neurotrophiques (BDNF). La réponse thérapeutique au natalizumab et au fingolimod est associée au taux de NFL dans le LCR ou le sérum. Toutefois, l’IRM reste l’outil privilégié pour le suivi des patients SEP traités actuellement.
Le risque d’effets secondaires graves a également été étudié avec de nombreux traitements. Sous fingolimod, l’immunisation contre VZV est protectrice du risque d’encéphalite à VZV, et la vaccination est préconisée chez les patients séronégatifs. Sous natalizumab, la sérologie JCV et l’index JCV sont prédictifs du risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) et ont permis de diminuer ce risque en adaptant le traitement aux différentes situations. La baisse du taux de CD62-L (L-sélectine) reste toutefois controversée dans son rôle annonciateur de LEMP chez les patients sous natalizumab.

Globalement, on peut inclure tous les biomarqueurs de SEP aux différents stades de la maladie selon leur rôle prédictif d’activité ou de progression de la maladie. Dans ce cas, on comprend que les BOC tiennent une place de haute importance dans le diagnostic de la SEP, et l’intérêt de l’émergence récente du dosage sérique des NFL. En effet, la possibilité de suivre ce dernier par des prises de sang itératives devrait permettre de définir le rythme de surveillance et le taux indicatif d’une activité résiduelle de la SEP sous traitement. On observe également que les facteurs environnementaux comme le tabagisme ont une faible influence sur l’activité ou la progression de la maladie.

Pour conclure, on peut répondre à certaines questions importantes.
Certains facteurs environnementaux ont un rôle pronostique dans la SEP, notamment des facteurs modifiables dont l’intérêt réside dans la possibilité d’agir sur la maladie.
À ce jour, il n’y a pas de marqueur biologique de dépistage de SEP utilisable en routine.
Les BOC tiennent une place centrale dans le diagnostic de la SEP aux côtés de l’IRM. L’émergence des chaînes légères libres kappa (CLLk) devrait permettre de simplifier et de standardiser cette analyse quantitative en évitant une interprétation subjective du profil des immunoglobulines du LCR.
De nombreux marqueurs pronostiques de SEP sont maintenant bien validés avec des niveaux différents dans le LCR (BOC/CHI3L1/NFL/marqueurs lymphocytaires B) et dans le sérum (sNFL). Toutefois, l’utilisation pratique de NFL doit encore être évaluée plus clairement pour définir son utilité dans la prise en charge des patients et de leur traitement.
Pour finir, aucun marqueur pharmacogénomique de réponse thérapeutique n’est utilisé en pratique, mais des marqueurs d’effets indésirables graves sont couramment utilisés pour prédire le risque de complication et adapter les traitements, notamment la sérologie JCV et PCR JCV pour le natalizumab.