À l’aube de l’année 2022, après 2 ans de crise sanitaire aux conséquences directes et indirectes majeures sur la prise en soins des patients atteints de maladie de Parkinson, il est apparu important d’établir un point d’étape sur les traitements par dispositifs et l’évolution des pratiques les concernant, en particulier l’avènement du domicile. Proposer sans délai une prise en charge plus efficace, motrice comme non motrice, grâce à un dispositif et tenir compte de facteurs jusqu’ici largement négligés, comme le tube digestif [1] et l’état dentaire [2], contribuent à l’émergence d’une médecine personnalisée, avec pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patients parkinsoniens quelle que soit la phase évolutive de la maladie. C’est pour apporter un éclairage sur ces différents domaines que ce cahier spécial, rédigé par des experts de chacune des questions, a été conçu.
« Docteur, quelle est la meilleure solution pour moi : rester avec les médicaments ou passer à la stimulation cérébrale profonde, à la pompe à apomorphine ou à l’administration intra-jéjunale de lévodopa ? » Aucune étude evidence-based medicine ne permet de répondre à la question fort légitime de ce patient parkinsonien. Il est probable qu’aucune n’y réponde jamais. Pourquoi ? Parce qu’enfin la médecine personnalisée s’impose à nous. Si les options thérapeutiques dépendent certes encore de données objectives liées au degré de sévérité de la maladie (diffusion des lésions neuronales dopaminergiques et non dopaminergiques), elles dépendent désormais principalement de données subjectives de qualité de vie, embrassant aussi bien les dimensions socioprofessionnelles qu’esthétiques, culturelles, voire philosophiques. Afin d’accompagner le progrès majeur que représentent ces thérapies “à façon”, le rôle du neurologue est de proposer l’ensemble des thérapeutiques justement évoquées par le patient. Que l’on soit en début d’évolution, à la phase d’état ou en situation palliative, dès lors que des limitations existent en dépit d’un traitement médicamenteux optimisé, il est légitime de discuter et de proposer les options interventionnelles, rompant avec une neurologie contemplative, désormais obsolète. Les avantages et les inconvénients respectifs doivent être présentés, tenant compte du stade évolutif de la maladie. Il est également du devoir des neurologues en charge de patients parkinsoniens de lutter contre l’attentisme, voire le défaitisme, d’un autre âge où l’on considérait qu’il était naturel pour un patient d’être “bloqué” dès lors qu’il était parkinsonien. Il est légitime pour tout patient d’avoir un niveau d’exigence élevé quant à son équilibre tant moteur que non moteur. Il est donc désormais indispensable de proposer et d’expliciter les solutions à même de maintenir son insertion autant professionnelle, le cas échéant, que sociale et familiale. À lui, une fois éclairé et avec le soutien de son entourage, de faire le choix en conscience avec l’aide de l’équipe médicale. Compte tenu de la plasticité cérébrale et des processus adaptatifs compensateurs de la perte neuronale, la clinique ne permet pas à coup sûr à l’heure actuelle de prédire le mode évolutif de la maladie. Dans un futur proche, des biomarqueurs d’imagerie métabolique ou morphologique, de même que des neuromarqueurs électrophysiologiques apporteront cette information. Au cours de l’évolution de la maladie, ce que la clinique ne peut pas détecter du fait de la plasticité compensatrice, les biomarqueurs le mettront en évidence. Les résultats à long terme des choix thérapeutiques pourront ainsi être prédits, complétant et parachevant une véritable médecine personnalisée. La décision reviendra en définitive toujours au patient et à son entourage, entre la stimulation dopaminergique et la stimulation électrique, leur utilisation successive, voire leur association, en une vision thérapeutique désormais dynamique, tenant compte de l’évolution.
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E-mail : marc.verin@chu-rennes.fr
Bibliographie
1. Van IJzendoorn SCD, Derkinderen P. The Intestinal Barrier in Parkinson’s Disease: Current State of Knowledge. J Parkinsons Dis 2019 ; 9 : S323-9.
2. Auffret M, Meuric V, Boyer E et al. Oral Health Disorders in Parkinson’s Disease: More than Meets the Eye. J Parkinsons Dis 2021 ; 11 : 1507-35.