La carence en vitamine D est un facteur de risque de développer une sclérose en plaques. C’est pourquoi l’équipe d’Éric Thouvenot s’est intéressée à l’efficacité de la vitamine D à fortes doses pour réduire l’activité de la maladie. Retour sur les résultats de l’étude
D-lay MS avec Éric Thouvenot, neurologue au CHU de Nîmes.
Propos recueillis par Corentin Bell (journaliste)
Neurologies : Pouvez-vous nous parler de votre étude ?
Éric Thouvenot : Pour observer les bénéfices de l’utilisation de la vitamine D à fortes doses contre placebo, nous avons réalisé un essai randomisé en double aveugle avec 316 patients ayant eu leur première poussée de SEP au sein d’une étude multicentrique financée par le PHRC national 2012 (Fig. 1). Quatre-vingt-neuf pour cent d’entre eux remplissaient les critères diagnostiques McDonald 2017 de SEP.
Pendant 2 ans, toutes les 2 semaines, 156 patients ont reçu une ampoule orale de cholécalciférol 100 000 UI et 147 un placebo.
Nous avons montré une réduction du risque relatif d’activité de la maladie de 34 % au cours de la période de suivi, ce qui est similaire à certains traitements immunomodulateurs de la SEP. Qui plus est, les patients sous vitamine D avaient un temps médian avant le début d’activité de la maladie de 432 jours, alors que celui du groupe placebo était de 224 jours (Fig. 2).
La tolérance médicamenteuse était excellente, il n’y a pas eu d’événement indésirable grave lié à un surdosage en vitamine D ou à une hypercalcémie.
Figure 1 – Diagramme du protocole clinique de l’étude D-lay MS.
DA : activité de la maladie.
Figure 2 – Courbe de survie de Kaplan-Meyer pour l’activité de la maladie (DA) dans les deux groupes de traitement pendant les 2 années de suivi (HR = 0,66, log-rank p = 0,004).
Dans quels cas la vitamine D a été la plus bénéfique ?
Les analyses d’interaction nous ont permis d’observer que l’efficacité de la vitamine D semble meilleure chez les patients ayant des carences importantes en vitamine D, un IMC normal ou n’ayant pas de lésions médullaires.
Cela signifie que le cholécalciférol est sans danger, bien toléré et efficace dans le cadre d’une monothérapie pour réduire l’activité de la maladie.
Maintenant, toute la question va être de savoir comment la vitamine D doit être utilisée dans la SEP. À mon avis, il n’est pas question qu’elle remplace les traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs, mais plutôt que l’on aille plus loin vers l’étude de son utilisation en add on therapy.
De nouvelles études sont-elles prévues ?
Nous avons déposé une demande au PHRC national pour financer l’étude D-active MS. Dans celle-ci, nous souhaiterions étudier l’efficacité de la vitamine D en add on therapy par rapport au placebo. Ces travaux seront focalisés sur les patients qui suivent un traitement d’efficacité modérée en excluant les traitements de haute efficacité afin de pouvoir garder une marge de manœuvre pour la vitamine D en add on therapy par rapport à ces traitements de fond.
Quelles sont les limites de vos recherches ?
Celles qui ont pu être soulignées par les reviewers et les éditeurs concernent les IRM, qui n’étaient peut-être pas assez fréquentes. Cependant, nous avons tout de même réalisé des IRM cérébrales et médullaires à 3, 12 et 24 mois, ce qui est plus que ce qui est fait habituellement dans les études où il n’y a que l’IRM cérébrale. Cela nous a permis de capter toute l’activité de la maladie. Au final, il n’y a pas de limites méthodologiques très importantes et l’article a été publié dans le JAMA online le 10 mars 2025.
C’est le fruit d’une collaboration nationale active et une grande fierté pour toutes les équipes impliquées.
D-lay MS : le plus grand essai thérapeutique utilisant la vitamine D dans la SEP.
Les travaux des équipes de recherche menées par Éric Thouvenot ont duré 10 ans et ont nécessité la participation de 36 centres de recherche en France pour recruter les centaines de sujets nécessaires à la mise en place de l’étude D-lay MS. « Contrairement aux essais thérapeutiques industriels, un essai académique de cette envergure est très difficile à mener et a nécessité la motivation de toutes les équipes en France et de tous les centres experts de la sclérose en plaques », souligne Éric Thouvenot.
Les critères d’inclusion principaux de l’étude D-lay MS.
• Des patients âgés de 18 à 55 ans
• Dans les 3 mois après le début du syndrome cliniquement isolé
• Avec une concentration sérique de vitamine D < à 100 nmol/l
• Avec une IRM évocatrice de SEP
Bibliographie
• Thouvenot E, David Laplaud D, Lebrun-Frenay C et al. High-Dose Vitamin D in Clinically Isolated Syndrome Typical of Multiple Sclerosis: The D-Lay MS Randomized Clinical Trial. JAMA 2025 [Online ahead of print].