Résumé
La chronique du mois vise à faire le point sur des éléments de base de neuro-anatomie fonctionnelle et de neurophysiologie. Elle a pour objectif de rappeler la neuro-anatomie de manière ludique et accessible. Comme « Le simple est toujours faux », il sera nécessaire pour le lecteur de garder un œil critique et d’accepter que la chronique soit orientée vers un public non spécialisé.
Introduction
Le télencéphale, tel un Guggenheim de l’esprit, se dresse majestueusement de courbes audacieuses et de structures complexes (Fig. 1). Comme le célèbre musée de Franck Lloyd Wright, il est un chef-d’oeuvre architectural où l’art, l’esprit et la science fusionnent harmonieusement. Les lobes cérébraux sont les étages interconnectés de l’édifice qui abritent des idées bruyantes et des émotions intenses et où chaque souvenir est soigneusement encadré dans une galerie d’exposition. Le télencéphale est le foyer de l’imagination, de la créativité et de la réflexion. Il est constitué de deux hémisphères cérébraux séparés par la fissure longitudinale du cerveau disposée selon un plan sagittal médian. Il pèse entre 1 200 et 1 340 g (soit 2 % du poids du corps) pour un volume d’environ 1 400 ml. Sa surface est parcourue par des sillons dont les principaux délimitent les lobes cérébraux. Ce mois-ci, je vous propose donc une visite du musée télencéphalique, non pas de sa collection d’art moderne, mais de son atrium et de ses escaliers : un joyau d’architecture.
Figure 1 – Le télencéphale, Guggenheim de l’esprit.
Les lobes cérébraux
Le télencéphale est constitué de deux hémisphères cérébraux reliés par un pont de matière blanche : le corps calleux. Chaque hémisphère a trois faces (latérale, médiale et inférieure) et trois bords (supérieur, ventrolatéral et ventromédial). Sa surface est parcourue par des sillons. Les sillons principaux (ou primaires) délimitent les lobes cérébraux : il s’agit du sillon central, du sillon latéral, du sillon pariéto-occipital, du sillon cingulaire et du sillon circulaire de l’insula. Ces sillons délimitent les six lobes cérébraux : frontal, pariétal, temporal, occipital, limbique et insulaire. Les quatre premiers sont dits externes et sont situés directement sous les os du crâne et les méninges alors que les deux derniers sont des lobes internes (Fig. 2).
- Le lobe frontal, situé à l’avant du cerveau, est responsable de fonctions telles que la planification, la prise de décision, le raisonnement logique, le contrôle des mouvements volontaires ou encore la personnalité. C’est dans ce lobe que réside le cortex préfrontal qui joue un rôle crucial dans l’attention, la mémoire de travail et la résolution de problèmes complexes. Il est d’ailleurs assez évident intuitivement que lorsque nous réfléchissons à un problème complexe, la zone active de notre cerveau est celle derrière notre front : jamais nous n’imaginons résoudre un calcul avec la partie arrière de notre cerveau.
- Le lobe pariétal, situé au sommet du cerveau, est impliqué dans le traitement des informations sensorielles provenant du corps, notamment le toucher, la température, la pression et la douleur. Il joue un rôle essentiel dans la perception spatiale, dans la coordination motrice ou encore la reconnaissance des objets.
- Le lobe temporal, situé sur les côtés du cerveau, est impliqué dans le traitement de l’audition, du langage, de la mémoire à long terme et des émotions. C’est dans ce lobe que se trouve l’hippocampe, structure cruciale à la formation de nouveaux souvenirs.
- Le lobe occipital, situé à l’arrière du cerveau, est dédié au traitement des informations visuelles. Il contient le cortex visuel primaire, qui décompose les signaux luminaux en images compréhensibles.
- Le lobe insulaire (Fig. 3) est situé en profondeur du sillon latéral, entre le lobe temporal et le lobe pariétal. Il est impliqué dans la perception corporelle, la régulation de l’homéostasie, la prise de décision, l’empathie ou encore la conscience de soi. Il est étroitement lié aux émotions et aux sensations physiques. Il traite plusieurs informations provenant des viscères comme la sensation de faim, de soif ou encore de douleur viscérale. Il joue un rôle dans la perception des sens et la coordination de certains mouvements complexes. Il est de plus en plus étudié pour son rôle dans les fonctions cognitives supérieures et son implication dans les troubles neuropsychiatriques où certaines études suggèrent qu’il peut être lié à l’autisme, la dépression, la schizophrénie ou les troubles du comportement alimentaire.
- Le lobe limbique (Fig. 4), situé au centre du cerveau, joue un rôle crucial dans les émotions, la mémoire et les comportements motivationnels. Il est composé de plusieurs structures clés, notamment l’hippocampe, l’amygdale, le fornix, les corps mamillaires et le gyrus cingulaire. L’hippocampe est une structure en forme de C impliquée dans la formation et la consolidation des souvenirs. Il joue un rôle essentiel dans la mémoire épisodique qui nous permet de nous souvenir d’éléments spécifiques de notre vie. L’hippocampe est également impliqué dans la navigation spatiale et dans la représentation mentale de l’environnement. L’amygdale est une petite structure en forme d’amande qui joue un rôle central dans le traitement des émotions, en particulier la peur et l’anxiété. Elle est impliquée dans l’apprentissage émotionnel, l’évaluation des stimuli sociaux et la modulation de la réponse au stress. Le cortex cingulaire est une bande de tissu cérébral situé dans la partie médiane du cerveau, juste au-dessus du corps calleux. Il est impliqué dans la régulation des émotions, la prise de décision, le contrôle de l’attention ou encore la modulation de la douleur. Il joue également un rôle clé dans la coordination des réponses émotionnelles et comportementales.
Figure 2 – Délimitation des lobes cérébraux externes.
Figure 3 – Le lobe insulaire.
Figure 4 – Le lobe limbique.
Les aires fonctionnelles
Les aires fonctionnelles de Penfield et Rasmussen (Fig. 5) ont été définies par des expériences de stimulation corticale électrique et par l’observation des conséquences cliniques de lésions corticales. C’est de cette manière que les aires motrices ont été localisées dans le lobe frontal, que les aires sensitives ont été rapprochées du lobe pariétal, visuelles, du lobe occipital, auditives dans le lobe temporal et mnésiques dans le lobe limbique. Cette représentation est très schématique et constitue une vision bien trop simpliste de l’organisation cérébrale. Elle délimite également deux aires de langage qui sont depuis très largement débattues. Mais puisque le simple est essentiel à notre compréhension du cerveau, ces aires constituent un point de départ riche d’enseignement sur notre chef d’oeuvre architecturale : le télencéphale.
- Le cortex primaire moteur, ou aire motrice primaire, impulse la voie pyramidale dans la dernière étape du mouvement volontaire. Chaque partie du corps humain est représentée de manière somatotopique dans cette aire selon l’homonculus primaire.
- L’aire sensitive primaire reçoit et traite toutes les informations sensorielles provenant des différentes parties du corps. Elle permet la perception du toucher, de la pression, de la température et de la douleur. Le corps humain y est également représenté selon une organisation somatotopique, proche, mais non identique, à celle du cortex primaire moteur.
- L’aire visuelle primaire est située dans le lobe occipital. Elle est responsable du traitement des informations visuelles provenant des yeux. Elle permet la perception et l’interprétation des stimuli visuels.
- L’aire auditive primaire est située dans le lobe temporal. Elle est impliquée dans le traitement des stimuli auditifs. Elle permet à la fois la perception, mais aussi l’interprétation des sons.
- L’aire de Broca est une aire située dans le lobe frontal. Elle est impliquée dans la production du langage parlé et joue un rôle essentiel dans la planification et dans l’exécution des mouvements nécessaires à la parole.
- L’aire de Wernicke est située dans le lobe temporal et impliquée dans la compréhension du langage. Elle joue un rôle clé dans l’interprétation des mots et la construction des sens.
- D’autres aires (aire des fonctions mentales supérieures, aire motrice secondaire, aire sensitive associative ou aires temporales associatives) sont également décrites par Rasmussen. Ce sont elles les véritables clés de voûte du schéma cérébral puisqu’elles ne sont pas les lieux de départ ou d’arrivée des stimuli électriques primaires, mais bien responsables de leur initiation, de leur coordination ou de leur perception. Elles donnent un sens à tout ce qui est perçu par les autres aires et ne doivent pas, contrairement à ce que je fais par le présent article, être mises de côté.
Figure 5 – Les aires fonctionnelles.
Conclusion
Le télencéphale est donc, tel le musée le plus célèbre au monde, un chef-d’oeuvre d’architecture. À travers cet article, nous avons approché la façade de l’édifice et décrit les rôles des principales pièces, mais l’oeuvre réside véritablement dans ses enchevêtrements de couloirs, ses escaliers, ses portes dérobées et ses passages secrets. La description télencéphalique ne peut se limiter à ses lobes et aires fonctionnelles, elle doit tenir compte de ses moindres circonvolutions, faisceaux blancs et commissures. Les connexions neuronales complexes du télencéphale sont telles des passerelles, rampes et balustrades que nous prendrons le temps de décrire d’ici peu. Certains trouveront l’article sûrement trop simple pour des spécialistes et j’en conviens, mais s’il permet à l’un d’entre vous de jouer le guide pour faire visiter le cerveau à un étudiant, un collègue ou un voisin alors la mission sera remplie. De même que le Guggenheim réunit des amateurs d’art et de curieux touristes, le cerveau doit être accessible au plus grand nombre.
Correspondance
pa.pioche@ch-moulins-yzeure.fr
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.
Bibliographie
• Bear MF, Connors BW, Paradiso MA. Neuroscience: Exploring the Brain (4th ed). Philadelphie : Lippincott Williams & Wilkins, 2016.
• Purves D, Augustine GJ, Fitzpatrick D et al. Neuroscience (6th ed.). Sunderland : Sinauer Associates, 2018.
• Nolte J. The Human Brain: An Introduction to its Functional Anatomy (8th ed.). Elsevier 2019.
• Haines DE. Neuroanatomy: An Atlas of Structures, Sections, and Systems (8th ed.). Lippincott Williams & Wilkins 2012.
• Kandel ER, Schwartz JH, Jessell TM. Principles of Neural Science (5th ed.). McGraw-Hill Education 2013.