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Manifestations neurologiques au cours de l’infection par Sars-CoV-2 : quand parler de Neuro-Covid ?

Résumé
Le terme de neuro-Covid désigne l’ensemble des atteintes du système nerveux associées à l’infection par Sars-CoV-2, et regroupe des entités variées. Elles touchent 8 à 13 % des patients hospitalisés pour Covid-19, avec une prévalence estimée de 9/1 000 patients infectés en population générale. Il s’agit dans la majorité des cas de tableaux d’encéphalopathies et d’accidents ischémiques cérébraux, mais également de syndromes de Guillain-Barré et d’atteintes neuro-inflammatoires du système nerveux central, telles que des encéphalites ou des myélites. Chez des patients atteints de formes graves de Covid-19, l’intrication d’une hypoxie sévère ou d’une défaillance multi-organe peut compliquer la démarche diagnostique devant des manifestations neurologiques potentiellement imputables à des facteurs systémiques. Les troubles du goût et de l’odorat, quant à eux, n’appartiennent pas au spectre “neuro-Covid”, puisque, d’après les données actuelles, l’anosmie est, dans la majorité des cas, secondaire à une atteinte des cellules de soutien de l’épithélium olfactif sans atteinte des neurones sensoriels ni du bulbe olfactif. Enfin, des symptômes de la lignée neurologique – principalement neurocognitifs – s’intègrent fréquemment au sein des nombreux autres symptômes “post-Covid”, persistant ou apparaissant à distance de l’infection initiale, appelant à différencier trois grands cadres diagnostiques : séquelles d’un Covid-19 sévère et/ou séquelles d’un neuro-Covid ; pathologie neurologique de novo sans lien avec le Covid-19 ; ou tableau associant des symptômes chroniques, polymorphes, volontiers intermittents, sans substratum organique mis en évidence et appelant à une prise en charge purement symptomatique.
Si le terme de neuro-Covid est ainsi réservé aux atteintes du système nerveux associées à la phase aiguë de l’infection, il n’en reste pas moins que les mécanismes physiopathologiques demeurent imparfaitement connus à ce jour et empruntent probablement différentes pistes : répercussion de l’état inflammatoire systémique, atteintes immuno-médiées, endothélite et coagulopathie. À ce jour, il n’y a pas d’argument fort pour une atteinte neuro-invasive avec pathogénicité directe du virus sur le tissu cérébral, ce qui n’enlève rien à la gravité de ces atteintes neurologiques, associées à un sur-risque de mortalité hospitalière. La reconnaissance de ces atteintes en pratique clinique est donc d’une importance majeure, ainsi que leur surveillance au plan sanitaire général dans un contexte épidémique encore actif.

Introduction

Plus de 1 an après le début de la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19), l’atteinte du système nerveux reste l’objet de nombreuses controverses. Qu’il s’agisse de l’imputabilité du Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 (Sars-CoV-2) dans les différentes manifestations neurologiques constatées, ou de l’éventuel neurotropisme de ce virus, un certain nombre de questions reste toujours en suspens. Cet article expose une synthèse des données actuelles dans ce domaine, en articulant le propos autour du terme dédié de “neuro-Covid” dont il n’est pas toujours aisé de définir les limites.

Qu’appelle-t-on neuro-Covid ?

Nous désignons par neuro-Covid l’ensemble des atteintes du système nerveux associées à l’infection par Sars-CoV-2 (Fig. 1). Ce terme regroupe ainsi des entités variées [1, 2], incluant des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des encéphalopathies, des atteintes neuro-inflammatoires telles que des encéphalites, des myélites et des encéphalomyélites aiguës disséminées, ainsi que des syndromes de Guillain-Barré. La prévalence globale de ces atteintes est estimée à 9/1 000 patients chez ceux atteints de Covid-19, toutes formes de sévérité confondues [3]. Elles touchent 8 à 13 % des patients hospitalisés [1, 4, 5], et sont à l’origine d’un surrisque de mortalité [6]. Les conséquences en termes de handicap à plus long terme sont encore peu connues à ce jour.

Figure 1 – Classification des manifestations neurologiques au cours de l’infection par Sars-CoV-2.

Critères

Les critères permettant de retenir l’association entre une atteinte neurologique et le Covid-19 reposent, d’une part, sur les éléments cliniques et/ou microbiologiques évocateurs d’une infection récente par Sars-CoV-2 et, d’autre part, sur l’absence de tout autre cause pouvant expliquer la symptomatologie [7]. Une limite principale de ce critère est l’existence fréquente de cofacteurs systémiques potentiellement imputables dans le tableau neurologique des patients avec un Covid-19 de forme sévère, à l’instar de certains tableaux d’encéphalopathies métaboliques, toxiques, hypoxiques ou de syndromes d’encéphalopathie postérieure réversible. De la même façon, le rôle de l’infection par Sars-CoV-2 dans la survenue des accidents ischémiques cérébraux peut être difficile à établir chez des patients ayant par ailleurs de nombreux facteurs de risque vasculaire.

Cette problématique souligne l’importance de mieux connaître les caractéristiques du neuro-Covid. De nombreuses études ont permis de préciser la relative fréquence et les particularités cliniques constatées pour chaque type d’atteinte, avec encore plusieurs inconnues, notamment en termes de prise en charge et de pronostic. Ces données sont exposées ci-dessous.

Le Covid-19, facteur de risque d’accident vasculaire cérébral ?

Les accidents ischémiques cérébraux représentent 25 à 45 % des atteintes neurologiques associées au Covid-19 [1, 4, 8] avec une prévalence de 1 à 2 % parmi les patients hospitalisés [9, 10]. S’il a été démontré que le Covid-19 est un facteur de risque indépendant de survenue d’un infarctus cérébral, les patients touchés ont fréquemment des facteurs de risque vasculaire tels qu’un diabète ou une hypertension artérielle [9, 11]. Aucun lien n’est par ailleurs établi entre ces événements ischémiques et la sévérité de l’atteinte respiratoire ou systémique de l’infection par Sars-CoV-2. Un accident ischémique cérébral peut ainsi révéler un Covid-19 peu ou pas symptomatique sur le plan respiratoire [1, 10, 12].
Il s’agit le plus souvent d’infarctus cérébraux survenant dans le territoire d’artères de gros et moyen calibres, touchant parfois de multiples territoires. La mise en évidence de thromboses au niveau d’artères d’allure “saine” ou siège de lésions athéromateuses minimes est régulièrement rapportée [13]. Le bilan étiologique doit rester exhaustif malgré le contexte de Covid-19, notamment la recherche active d’une cause cardio-embolique pour tous les patients, et d’une dissection artérielle cervicale chez un sujet jeune.

Pronostic

L’une des problématiques majeures est celle du pronostic, puisque les infarctus cérébraux associés au Covid sont plus sévères que les infarctus cérébraux hors contexte de Covid, à la fois en termes de mortalité et de handicap [9, 10]. La prévention primaire ou secondaire de ces événements ischémiques n’est pas codifiée. Les mécanismes sous-jacents sont encore imparfaitement compris, avec un rôle probable de la coagulopathie liée au Covid-19, elle-même intimement liée à l’infection des cellules endothéliales par Sars-CoV-2 [14].

D’autres types d’atteintes neurovasculaires, moins fréquentes, ont été rapportées en contexte de Covid-19. Il s’agit d’hématomes intra-parenchymateux uniques ou multiples, lobaires ou superficiels, émaillant le plus souvent l’évolution de patients avec une forme sévère de Covid-19, ainsi que des cas de thromboses veineuses cérébrales [1, 4, 8, 12].

Encéphalopathies : marqueur de la sévérité du Covid-19 ou atteinte plus spécifique ?

Les tableaux de confusion ou de réveil pathologique en réanimation sont un motif courant d’exploration neurologique des patients atteints de Covid-19. L’altération de l’état mental est d’autant plus fréquente que l’atteinte respiratoire et/ou systémique de Covid-19 est marquée, puisqu’elle est rapportée pour 3 à 7 % dans les formes non sévères, contre 15 à 39 % dans les formes sévères [12, 15] et jusqu’à 69 % chez les patients pris en charge en soins intensifs [16]. Les symptômes neurologiques apparaissent dans un délai médian de 6 à 9 jours après les premiers signes de Covid-19 [1, 12, 15] et touchent volontiers des sujets âgés ou présentant des troubles cognitifs antérieurs [1, 12]. L’intrication de facteurs métaboliques ou toxiques doit être recherchée. Le contexte de sepsis et d’hyper-inflammation systémique a un rôle probable au moins partiel dans ces atteintes de type encéphalopathie. Il a en effet été mis en évidence chez ces patients une forte élévation des cytokines pro-inflammatoires dans le sérum [17], ainsi que des lésions inflammatoires encéphaliques – activation microgliale dans le tronc cérébral, infiltrats péri-vasculaires et méningés – identiques à celles retrouvées chez des patients septiques non Covid en anatomopathologie [18]. La mise en évidence de cas de lésions cytotoxiques du splenium du corps calleux – décrites dans bien d’autres conditions infectieuses et non infectieuses – illustre également probablement le retentissement de l’ « orage cytokinique » sur le système nerveux central [1, 19]. Par ailleurs, des lésions d’encéphalopathie hypoxique sont également décrites, notamment sur les cas autopsiques [20]. Enfin, des cas d’encéphalopathie postérieure réversible sont rapportés, chez des patients qui en ont les facteurs de risque classiques comme l’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale [12, 21].

Une atteinte plus spécifique ?

Certaines données amènent néanmoins à se poser la question d’une atteinte plus spécifique liée au Covid-19. En effet, il a été décrit pour 20 % des patients avec encéphalopathie dans un contexte de Covid-19 sévère un pattern électro-encéphalographique composé de complexes diphasiques de projection antérieure et d’organisation périodique [22]. D’autre part, certaines atteintes microvasculaires cérébrales semblent plus caractéristiques de Covid-19 telles que les lésions micro-hémorragiques de la substance blanche, diffuses ou localisées dans le splenium du corps calleux [23], ou les lésions diffuses de la substance blanche encéphalique en restriction de diffusion, se rehaussant après injection, et non associées à un aspect typique d’encéphalomyélite aiguë disséminée ou d’encéphalite dans les cas autopsiques [24, 25]. Des aspects de prise de contraste leptoméningée ont également été décrits [16].

Encéphalopathie associée au Covid-19

Aucune corrélation n’a pu être établie entre le tableau clinique, électro-encéphalographique et radiologique, mais une étude récente montre que, parmi les patients avec Covid-19 et encéphalopathie, ceux n’ayant aucun facteur métabolique ou toxique associé avaient significativement plus de mouvements anormaux, plus de syndrome dysexécutif et plus de signes d’atteintes du tronc cérébral, plus de patterns périodiques électro-encéphalographiques, et plus d’atteintes de la substance blanche prenant le contraste sur l’IRM cérébrale [26]. Il y a donc des arguments cliniques pour parler d’une « encéphalopathie associée au Covid », pour lesquels des cas d’amélioration sous immunothérapie (corticoïdes et/ou échanges plasmatiques) ont été rapportés [27].

La physiopathologie est encore imparfaitement comprise à ce jour, et la question d’un lien avec l’infection de l’endothélium des petits vaisseaux cérébraux par Sars-CoV-2, mise en évidence sur certaines données anatomopathologiques, reste entière [28].

Atteintes inflammatoires du système nerveux central : pathogénicité directe du Sars-CoV-2
ou atteinte para-infectieuse ?

Les atteintes neuro-inflammatoires du système nerveux central représentent 4 à 10 % des manifestations neurologiques associées au Covid-19. Elles sont extrêmement variées dans leur présentation clinique et radiologique [7, 29] :
- méningo-encéphalites, encéphalites limbiques, myélites, méningites ;
- atteintes classiquement para- ou post-infectieuses telles que l’encéphalomyélite aiguë disséminée, l’encéphalopathie aiguë nécrosante et la leuco-encéphalopathie aiguë hémorragique ou encéphalite de Hurst ;
- tableaux de myoclonus généralisé, d’autres mouvements anormaux (chorée, akathisie) ou de syndromes parkinsoniens d’apparition aiguë ;
- tableaux évoquant une atteinte du tronc cérébral avec troubles de la conscience, ophtalmoplégie, ataxie, syndrome pyramidal.

Examens et évolution

Les symptômes s’installent en moyenne 7 jours après les premiers signes de Covid-19. L’analyse du liquide cérébrospinal (LCS) peut montrer une pléiocytose lymphocytaire modérée, le plus souvent de moins de 100 éléments/mm3, une protéinorachie normale ou peu élevée, inférieure à 2 g/l. La PCR Sars-CoV-2 dans le LCS est négative dans la très grande majorité des cas, et il n’existe pas non plus de synthèse intrathécale d’anticorps anti-Sars-CoV-2 [30]. L’évolution à court terme semble relativement favorable avec, dans la majorité des cas, une amélioration notable des signes neurologiques avec ou sans immunothérapie. Le pronostic à plus long terme n’est pas connu à ce jour.

L’ensemble de ces éléments plaident fortement en faveur d’un mécanisme immuno-médié de type para-infectieux, et non d’une pathogénicité directe du virus sur le parenchyme cérébral.

Syndrome de Guillain-Barré et Covid-19, une association controversée

Les syndromes de Guillain-Barré représentent 7 à 12 % des manifestations neurologiques associées au Covid-19 [1, 4, 8]. L’hypothèse d’une relation causale entre infection par Sars-CoV-2 et syndrome de Guillain-Barré a émergé dès les premiers cas rapportés, renforcée ensuite par des études montrant une augmentation d’incidence du syndrome de Guillain-Barré dans les régions du nord de l’Italie au cours de la première vague, multipliée par un facteur de 3 à 5 en comparaison des années précédentes [31, 32]. Une étude britannique plus récente a remis en cause cette association, montrant une baisse d’incidence du syndrome de Guillain-Barré au Royaume-Uni au cours de la première vague de Covid-19 [33]. Néanmoins, cette baisse d’incidence peut être le corrélat de la baisse de la circulation d’autres micro-organismes, secondaire aux mesures sanitaires drastiques mises en place. Par ailleurs, la moitié des patients avec syndrome de Guillain-Barré dans l’étude britannique avait un Covid-19 défini ou probable. Il est donc relativement certain que l’infection par Sars-CoV-2 soit à l’origine de syndromes de Guillain-Barré, mais de manière probablement moins fréquente comparée à d’autres épidémies telles que celle du Zika, par exemple.

Diagnostic et traitement

Les symptômes neurologiques du syndrome de Guillain-Barré apparaissent dans un délai de 15 à 23 jours après les premiers signes de Covid-19, et réalisent un tableau classique d’atteinte sensitivo-motrice démyélinisante dans 80 % des cas [1, 31, 34]. Les anticorps anti-gangliosides sont le plus souvent négatifs [34]. Comparés aux patients ayant un syndrome de Guillain-Barré non associé au Covid-19, les patients avec Covid-19 ont une atteinte motrice plus sévère, une dysautonomie plus fréquente et sont davantage pris en charge en réanimation [31]. Le traitement repose classiquement sur les immunoglobulines intraveineuses. Des variants plus rares de syndrome de Guillain-Barré ont également été rapportés : syndrome de Miller-Fisher, diplégie faciale, forme sensitive et atteinte prédominante de nerfs crâniens.

Diagnostics différentiels

Le principal diagnostic différentiel est celui des neuromyopathies de réanimation, pathologie fréquente chez les patients pris en charge pour un Covid-19 sévère, souvent pendant plusieurs semaines en réanimation, et dont on constate une tétraparésie à la levée de la sédation [35]. Ce diagnostic est d’autant plus probable qu’il n’y a de parésie ni faciale ni oculomotrice et sera conforté par la présence d’une atteinte axonale motrice et d’un tracé myogène en électroneuromyographie. L’évolution de ces neuromyopathies est en règle générale favorable en 2 à 3 semaines. Quelques cas de syndrome de Tapia – paralysie unilatérale des nerfs hypoglosse et récurrent – ont également été décrits chez des patients avec Covid-19 après une intubation oro-trachéale [1].

Qu’est ce qui n’est pas un neuro-Covid ?

Il existe à la phase aiguë de l’infection par Sars-CoV-2 des symptômes de la lignée neurologique ne correspondant pas, dans la plupart des cas, à une atteinte du système nerveux.
C’est le cas des céphalées, myalgies et sensations de vertiges ressenties par 20 à 30 % des patients dans les premiers jours de l’infection [15] et qui font le plus souvent partie intégrante du syndrome pseudo-grippal. C’est également le cas des troubles du goût et de l’odorat, symptôme précoce de Covid-19 touchant 30 à 60 % des patients, et résultant au premier plan d’une infection des cellules de soutien de l’épithélium olfactif par Sars-CoV-2 [36]. La coexistence d’une infection des cellules neurales de l’épithélium olfactif reste discutée, notamment pour les patients présentant une hyposmie prolongée pendant plusieurs mois après l’infection initiale, ou ceux expérimentant des parosmies.

“Long-Covid”

Il existe par ailleurs des symptômes neurologiques qui persistent ou apparaissent à distance de la phase aiguë de l’infection par Sars-CoV-2 et tendent à se poursuivre plusieurs semaines, voire mois, s’intégrant dans ce qui est parfois appelé “long-Covid”. L’usage de ce terme au plan médical n’est pas recommandé, puisque, d’une part, il peut regrouper des réalités bien différentes et, d’autre part, il sous-entend un mécanisme de persistance virale pour lequel il n’y a aucun argument à ce jour. L’ampleur du phénomène a conduit la Haute autorité de santé (HAS) à apporter des réponses rapides publiées sur son site en février 2021 [37].

Trois cas de figures

Concernant les symptômes neurologiques, ils proposent d’identifier trois différents cas de figures :
1/ celui de séquelles – cognitives ou motrices – d’un Covid avec atteinte respiratoire ou systémique sévère ou avec une atteinte neurologique initiale ;
2/ celui d’une pathologie neurologique de novo sans rapport avec le Covid ;
3/ celui de symptômes chroniques polymorphes, multifocaux, volontiers fluctuants, sans anomalie de l’examen neurologique ni des examens complémentaires réalisés, à prendre en charge de manière symptomatique.
Il s’agit dans la plupart des cas d’une grande fatigue associée à de nombreux signes fonctionnels mal systématisés, au premier rang desquels apparaissent des plaintes cognitives de type mnésique ou attentionnel, des troubles sensitifs subjectifs, des signes cardiothoraciques avec des palpitations et une dyspnée survenant volontiers à l’effort. Ce tableau clinique, s’il génère beaucoup de questions sur son mécanisme, et à raison, n’a cependant rien de nouveau puisqu’il est décrit de longue date après une infection virale ou non virale, souvent qualifié de « syndrome de fatigue chronique » [38]. Il n’y a donc pas d’argument à ce jour pour intégrer ces symptômes chroniques post-Covid dans l’entité “neuro-Covid”.

Le Sars-CoV-2 est-il un virus neurotrope ?

Il a été établi en condition expérimentale que le Sars-CoV-2 peut infecter des neurones, soit in vitro sur des organoïdes cérébraux, soit in vivo sur des souris transgéniques [39]. La translation de ces données à ce qui est constaté chez l’être humain est loin d’être évidente.

Effet pathogène direct ?

D’une part, aucune atteinte décrite chez l’Homme n’est compatible avec un effet pathogène direct du Sars-CoV-2 sur le tissu cérébral ou le système nerveux périphérique. En effet, les atteintes neurologiques associées au Covid-19 évoquent plus volontiers des mécanismes tels qu’une dysfonction immunitaire para- ou post-infectieuse (atteintes neuro-inflammatoires du système nerveux central, syndromes de Guillain-Barré), un retentissement neurologique de l’inflammation systémique (encéphalopathies) ou une atteinte vasculaire (accidents ischémiques cérébraux, lésions microvasculaires diffuses).

Anatomopathologie

Sur le plan anatomopathologique, certaines études montrent que le génome ou certaines protéines virales de Sars-CoV-2 peuvent être détectés dans le cerveau de cas autopsiques sans pour autant faire la preuve d’une éventuelle neuro-pathogénicité directe :
- les taux d’ARN viral sont très faibles, peu évocateurs d’une réplication active ;
- il n’y a pas de colocalisation des protéines virales avec des neurones ou des cellules gliales ;
- il n’y a aucune corrélation entre la présence de Sars-CoV-2 et lésions neuro-inflammatoires [40,41].

Invasion des voies olfactives ?

Enfin, l’hypothèse d’une infection cérébrale secondaire à une invasion des voies olfactives par le Sars-CoV-2 ne semble reposer sur aucune donnée fiable et reproductible à ce jour [36].

Conclusion

Les manifestations neurologiques au cours de l’infection par Sars-CoV-2 sont variées et résultent de divers mécanismes physiopathologiques, imparfaitement connus à ce jour. La reconnaissance des différents types d’atteintes au plan clinique, tout comme l’étude des mécanismes en œuvre et d’éventuels facteurs de risque, doit se poursuivre dans le contexte actuel d’une épidémie encore active. D’une part, l’émergence de nouveaux variants serait susceptible de modifier le phénotype clinique, justifiant une veille constante des atteintes neurologiques. D’autre part, une meilleure connaissance des facteurs de risque et des mécanismes en œuvre dans les atteintes neurologiques est cruciale dans un contexte d’innovation thérapeutique exceptionnelle – à l’image des vaccins ARN et des thérapies à base d’anticorps monoclonaux – dont on peut espérer qu’elle puisse modifier à l’avenir l’impact du neuro-Covid et ses conséquences en termes de handicap et de mortalité.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Correspondance :
Élodie Meppiel
Service de neurologie, Hôpital Delafontaine
2 rue du Dr Delafontaine,
93200 Saint-Denis, France
Téléphone +33 1 42 35 62 97
Fax +33 1 42 35 62 26

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