L'expertise scientifique

Première crise épileptique et IRM : les progrès de l’IRM anatomique et fonctionnelle permettent de mieux comprendre les crises et leurs origines

Objectifs
Les objectifs de cet article sont :
– de mieux comprendre la place de l’imagerie (scanner et IRM) pour la prise en charge des patients présentant une première crise épileptique,
– de connaître les principales séquences IRM utiles dans ce contexte et notamment le rôle particulier de la séquence de perfusion ASL (« arterial spin labeling »),
– de comprendre l’apport spécifique de l’IRM pour (i) le diagnostic positif de crise épileptique, (ii) la distinction avec les principaux diagnostics différentiels et (iii) la recherche étiologique de la crise d’épilepsie.

Introduction, définitions et place de l’imagerie

Les définitions de l’épilepsie répondent à des critères particuliers précédemment décrits. Il convient notamment de bien distinguer l’épilepsie, la crise épileptique (focale ou généralisée) et la crise symptomatique aiguë (provoquée, situationnelle, en relation directe avec une lésion cérébrale). Nous renvoyons pour cela le lecteur aux articles de référence disponibles dans la littérature scientifique [1–4].
La survenue d’une première crise épileptique chez l’adulte est un motif de consultation fréquent dans les services d’urgence. Il est à noter que la probabilité de survenue d’une première crise d’épilepsie varie en fonction de l’âge du patient. Au total, c’est approximativement 8 à 10 % de la population qui est susceptible d’être concernée par une crise d’épilepsie, représentant de 1 à 2 % des passages aux urgences (dont 25 % concernent une première crise épileptique).
Des examens complémentaires sont habituellement effectués chez les patients présentant une première crise épileptique, notamment l’électroencéphalogramme (EEG). De nombreuses recommandations internationales suggèrent également la réalisation immédiate d’un scanner cérébral chez tous les patients présentant une première crise épileptique [5]. L’IRM cérébrale sera réalisée en urgence chez les patients pour lesquels une lésion cérébrale aiguë est suspectée. D’une manière générale, tous les patients ayant présenté une crise d’épilepsie focale doivent être explorés en IRM. Dans le cas particulier de l’état de mal, une IRM sera systématiquement réalisée en urgence notamment pour exclure une encéphalite.

Rôle spécifique de l’imagerie chez les patients présentant une première crise épileptique

Dans ce contexte, en complément des données cliniques et de l’EEG, l’apport de l’imagerie est potentiellement triple :
- contribuer au diagnostic positif de crise épileptique en cas de mise en évidence d’une lésion possiblement épileptogène,
- aider à la distinction avec les principaux diagnostics différentiels (notamment l’ischémie cérébrale et la migraine),
- permettre d’identifier une lésion cérébrale focale qui pourrait être la cause de l’épilepsie.
Pour tous ces objectifs, c’est bien sûr l’IRM cérébrale qui sera la modalité d’imagerie de loin la plus performante. Le scanner cérébral sera tout de même fréquemment réalisé en première intention dans le contexte de l’urgence compte tenu de sa plus grande disponibilité.

Diagnostic positif de crise d’épilepsie et identification d’une lésion associée

Rôle du scanner

L’apport du scanner cérébral apparaît limité pour mettre en évidence des anomalies associées à la crise épileptique elle-même. En fonction de l’étiologie et du type de la crise, on peut rarement observer en scanner un épaississement du cortex et/ou une hypodensité cortico-sous-corticale dans la zone épileptogène en cas d’œdème vasogénique associé.
Les acquisitions d’angioscanner peuvent retrouver une majoration du calibre artériel au niveau des artères du polygone de Willis dans la zone épileptogène, directement liée à l’hyperdébit cortical (Fig. 1). De la même manière, le scanner de perfusion peut mettre en évidence une augmentation focale du débit sanguin cortical, non systématisée, en rapport avec la crise épileptique et ayant une valeur localisatrice. Plus rarement, des anomalies associées à type d’hyperdébit du pulvinar homolatéral et/ou de l’hémi-sphère cérébelleux controlatéral (le « diaschisis cérébelleux croisé ») peuvent également être mises en évidence avec cette technique. D’une manière générale, ces anomalies perfusionnelles ne correspondent pas à une systématisation artérielle [5].

Figure 1 – Sémiologie IRM typique d’une crise épileptique.
Sur la séquence de diffusion (A), on retrouve un hypersignal de topographie corticale (flèches), non systématisé, associé à une restriction du coefficient apparent de diffusion (B, flèches). Un œdème cortico-sous-cortical est également visible sur la séquence FLAIR (C, flèches). L’angio-IRM du polygone de Willis met en évidence une majoration du calibre artériel en regard en rapport avec l’hyperdébit cortical (D, flèches). À noter la « pseudo-raréfaction » des veines cérébrales associée (E et F, flèches) en rapport avec un contenu en oxyhémoglobine augmenté. L’ensemble de ces anomalies a une valeur localisatrice.

Rôle de l’IRM

En IRM cérébrale, des anomalies de signal liées à la crise d’épilepsie elle-même sont susceptibles d’être mises en évidence sur les différentes séquences IRM pratiquées (Fig. 1). Ces anomalies sont principalement liées :
– à l’augmentation du débit sanguin cérébral inhérente à la crise épileptique
– et à la souffrance corticale avec œdème cytotoxique.
Il est toutefois à noter que pour un nombre non négligeable de patients (avec un EEG confirmant le diagnostic de crise d’épilepsie), il n’y aura aucune anomalie détectée en IRM.
Certaines séquences IRM seront plus susceptibles que d’autres de retrouver des anomalies de signal évocatrices dans ce contexte.

La séquence de diffusion

Évaluant le mouvement microscopique des molécules d’eau, elle est particulièrement utile dans le cadre des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (démasquant l’œdème cytotoxique dès le stade hyperaigu sous la forme d’un hypersignal). Chez les patients présentant une crise épileptique, un hypersignal peut également être mis en évidence sur la séquence de diffusion avec certaines caractéristiques : topographie préférentiellement corticale, œdème vasogénique (« effet T2 » avec majoration du coefficient apparent de diffusion) ou plus souvent cytotoxique (avec diminution du coefficient apparent de diffusion), absence de systématisation artérielle (Fig. 1). À noter que cet hypersignal diffusion est la plupart du temps corrélé aux données de l’EEG et a une valeur localisatrice.

Les séquences FLAIR (de préférence acquise en 3D) et T2

Ces séquences sont, la plupart du temps, peu contributives dans ce contexte. Elles peuvent toutefois mettre en évidence un discret hypersignal et un épaississement du ruban cortical, notamment au voisinage de la zone épileptogène. Parfois, on pourra noter sur la séquence FLAIR la présence d’une plage hypo-intense de la substance blanche sous-corticale en regard du foyer épileptogène , notamment en cas de lésion extrinsèque associée (tumeur ou hématome sous-dural par exemple) réalisant un effet de masse sur le parenchyme cérébral [6]. La physiopathologie de ces anomalies de signal reste mal comprise.

La séquence d’angio-IRM en temps de vol

De manière similaire à l’angioscanner, la séquence d’angio-IRM en temps de vol peut retrouver une majoration du calibre artériel directement liée à l’augmentation du débit sanguin cortical (Fig. 1). La sensibilité aux variations des flux artériels rend cette séquence particulièrement performante pour démasquer ces modifications hémodynamiques locales (notamment à 3T).

La séquence de susceptibilité magnétique

La séquence de susceptibilité magnétique est particulièrement sensible à l’équilibre entre l’oxy et la désoxy-hémoglobine au sein des veines cérébrales [7]. En cas de crise épileptique, cette séquence peut mettre en évidence une « pseudo-raréfaction » des veines corticales au voisinage de la zone épileptogène, corrélée aux données de l’électroencéphalogramme et de manière concomitante avec les anomalies visibles en diffusion et en perfusion (Fig. 1) [8]. Cet aspect de description récente est directement lié à l’augmentation du débit sanguin cérébral, lui-même responsable d’une majoration du contenu en oxyhémoglobine au sein des veines (et ayant pour corolaire un artéfact de susceptibilité magnétique moins prononcé d’où la « raréfaction » artéfactuelle de ces veines). Il est en effet important de bien comprendre que le calibre et le signal des veines cérébrales sur la séquence de susceptibilité magnétique ne correspondent pas seulement à une réalité anatomique, mais surtout à un artéfact de susceptibilité magnétique directement corrélé à la teneur en désoxyhémoglobine du sang veineux.

La séquence de perfusion ASL

Elle joue un rôle tout à fait particulier dans la prise en charge des patients présentant une première crise épileptique [9]. Pour mémoire, il s’agit d’une séquence de perfusion par marquage des spins artériels, quantitative, ne nécessitant aucune injection d’agents de contraste gadolinés (contrairement à la perfusion classique T2*). Ces séquences peuvent être réalisées avec un mode d’acquisition spin écho permettant en plus une très nette réduction des artéfacts de susceptibilité magnétique. Dans le contexte d’une crise épileptique, le principal apport de cette séquence est de montrer une franche augmentation du débit sanguin cortical, non systématisée à un territoire vasculaire, confortant le diagnostic et ayant une valeur localisatrice (Fig. 2). La fusion des images avec des séquences morphologiques peut être très utile pour contribuer à localiser avec encore plus de précision un éventuel foyer épileptogène (Fig. 2). À noter que les anomalies peuvent être franches sur la séquence ASL alors qu’elles restent subtiles, voire absentes, sur les autres séquences IRM (Fig. 3). La grande sensibilité de cette séquence est un atout majeur chez les patients suspects de crise d’épilepsie. Un tel hyperdébit cérébral aurait pu être mis en évidence avec les séquences de perfusion classiques obtenues après injection de gadolinium. L’avantage est ici d’obtenir les mêmes informations sans injection dans un contexte où le recours aux agents de contraste gadolinés doit être limité du fait de l’accumulation du gadolinium dans les tissus et de la pollution environnementale. La séquence de perfusion ASL est également capable d’apporter des informations fonctionnelles supplémentaires, confortant le diagnostic de crise épileptique, comme une augmentation du débit sanguin au sein du pulvinar ipsilatéral (le « signe du pulvinar ») ou bien la démonstration d’un diaschisis cérébelleux croisé (qui est habituellement plus visible avec les techniques de médecine nucléaire) (Fig. 4). La sensibilité de la séquence ASL pour mettre en évidence ces anomalies semble là-aussi plus importante comparativement aux autres séquences disponibles (y compris la diffusion).

Figure 2 – Aspect typique en imagerie de perfusion ASL chez un patient présentant une crise d’épilepsie.
Sur la séquence de diffusion (A), on retrouve un hypersignal cortical (flèches) et du pulvinar ipsilatéral (tête de flèche). La séquence de perfusion ASL (B : images natives, C : carte couleur de débit sanguin cérébral) met en évidence une franche majoration du débit sanguin cortical dont l’étendue est plus marquée comparativement aux anomalies visibles sur la séquence de diffusion (flèches).
À noter le caractère non systématisé de ces anomalies. Une hyperperfusion du pulvinar ipsilatéral est également bien visible (B et C, têtes de flèche). La fusion avec les séquences morphologiques (ici avec le FLAIR, D) permet de mieux localiser l’hyperdébit cortical.

Figure 3 – Chez ce patient présentant une crise épileptique, un discret hypersignal du ruban cortical est visible dans la région centrale gauche sur les séquences de diffusion (A, flèche) et 3D FLAIR (B, flèche).
À noter que l’hyperdébit cortical visible sur la séquence de perfusion ASL apparaît beaucoup plus étendu (C, flèches). La séquence de perfusion ASL est également capable de mettre en évidence des anomalies fonctionnelles associées à distance, ici la présence d’un diaschisis cérébelleux croisé à droite (D, flèche).

Figure 4 – IRM cérébrale réalisée chez un patient présentant un état de mal (fusion ASL/FLAIR (A,B et C), cartes ASL de débit sanguin cérébral (D, E et F).
Un franc hyperdébit cortical hémisphérique prédominant au niveau du cingulum et des régions frontales antérieures est bien visible du côté gauche (C et F, flèches). À noter la mise en évidence sur la séquence de perfusion ASL d’un hyperdébit du pulvinar ipsilatéral (B et E, têtes de flèche) et d’un diaschisis cérébelleux croisé controlatéral du côté droit (A et D, flèches). La fusion avec la séquence FLAIR est utile pour mieux localiser les anomalies de signal visibles en perfusion ASL.

Apport de l’imagerie pour le diagnostic différentiel

La survenue d’une première crise d’épilepsie peut parfois faire discuter d’autres diagnostics comme l’accident ischémique constitué ou transitoire, la migraine avec aura, la syncope, la confusion aiguë ou bien encore l’ictus amnésique. L’examen clinique du neurologue est bien sûr fondamental pour orienter le diagnostic.
Le scanner et surtout l’IRM peuvent également contribuer à aider le neurologue dans la recherche d’un diagnostic différentiel à une première crise épileptique. Compte tenu des enjeux thérapeutiques potentiels, la priorité du radiologue sera bien sûr d’aider à la distinction entre une première crise épileptique et un accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI) constitué ou transitoire.

Rôle du scanner

Le scanner sans injection montrera en cas de lésions ischémiques aiguës une hypodensité corti co-sous-corticale présentant une systématisation artérielle (en cas de crise d’épilepsie le scanner est souvent normal ou de très discrètes anomalies corticales sont à la limite de la visibilité). L’angioscanner est particulièrement utile en révélant la sténose ou l’occlusion artérielle responsable de l’ischémie cérébrale. Le scanner de perfusion montrera quant à lui une diminution systématisée du débit sanguin cortical dans le territoire vasculaire ischémié (alors qu’il montrerait une franche augmentation du débit sanguin non systématisée à la phase aiguë d’une crise épileptique).

Rôle de l’IRM

C’est bien sûr l’IRM qui sera la modalité la plus contributive pour aider au diagnostic différentiel d’une première crise épileptique. C’est notamment en démontrant des anomalies spécifiques évocatrices d’une autre pathologie que l’IRM pourra contribuer au diagnostic différentiel.

Accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI) constitué

En utilisant la séquence de diffusion, l’hypersignal associé à l’AVCI correspond le plus souvent à une atteinte cortico-sous-corticale, avec une franche systématisation artérielle, l’hypersignal précédant les anomalies visibles en pondération T2 (« mismatch » diffusion/FLAIR à la phase hyperaiguë de l’AVCI). Avec la séquence de susceptibilité magnétique, les veines cérébrales apparaîtront proéminentes, en franc hyposignal, en raison du contenu en désoxyhémoglobine majoré par la diminution du débit sanguin cérébral : signe du « peigne », « des veines corticales proéminentes » (pour rappel, les veines seront au contraire moins visibles « pseudo-raréfaction » [10] en cas de crise épileptique en raison de la majoration du contenu en oxyhémoglobine du sang veineux). La séquence de perfusion ASL montrera une hypoperfusion dans le cadre d’une lésion ischémique aiguë, systématisée à un territoire vasculaire associée à des ralentissements circulatoires artériels. À noter qu’il est parfois possible d’observer une perfusion de luxe après un AVCI en ASL, mais qui correspondra à une systématisation vasculaire et sera strictement limitée aux anomalies de signal visibles sur la séquence de diffusion.

Accident ischémique transitoire (AIT)

La séquence de perfusion ASL est particulièrement utile dans le cadre des AIT dans la mesure où elle peut montrer des anomalies subtiles en lien avec la symptomatologie sous la forme de ralentissements circulatoires artériels (« artéfacts de transit artériel »). Cette séquence est très sensible et peut montrer ces anomalies même en cas de normalité de l’ensemble des séquences conventionnelles (Fig. 5). La mise en évidence de ces ralentissements circulatoires oriente vers la nature vasculaire (et non épileptique) de la symptomatologie.

Figure 5 – Exemple de diagnostic différentiel : accident ischémique transitoire. Chez ce patient ayant présenté une aphasie transitoire, les séquences conventionnelles (diffusion, A et FLAIR, B) ne montrent pas d’anomalie de signal spécifique. La séquence de perfusion ASL met quant à elle en évidence un hypersignal focal serpigineux en regard du carrefour ventriculaire gauche et correspondant à la distalité de l’artère cérébrale moyenne gauche (C et D, flèches). Cet hypersignal correspond ici à un ralentissement circulatoire artériel (« artéfact de transit artériel ») évocateur d’une origine vasculaire à la symptomatologie clinique. Le discret hyperdébit cortical visible dans la région occipitale gauche (C et D, têtes de flèches) s’explique par la mise en jeu d’une collatéralité par le biais de l’artère cérébrale postérieure gauche. La perfusion cérébrale est normale du côté droit.

Migraine

Les séquences diffusion et FLAIR sont habituellement normales dans ce contexte. Des modifications subtiles du calibre artériel en utilisant l’angio-IRM en temps de vol ont été rapportées chez les patients présentant une aura migraineuse. L’utilisation combinée des séquences de perfusion ASL et de susceptibilité magnétique est particulièrement intéressante pour contribuer au diagnostic de migraine. Ces séquences peuvent montrer des modifications dynamiques du signal veineux et du débit sanguin cortical en lien direct avec la physiopathologie de la migraine (vasoconstriction et vasodilatation) (Fig. 6). (i) À la phase aiguë (« aura migraineuse »), il peut ainsi être observé une diminution du débit sanguin cérébral en ASL associée à un pseudo-élargissement des veines corticales sur la séquence de susceptibilité magnétique (liée à un surcroît de désoxyhémoglobine dans le même territoire). Il convient alors d’éliminer en premier lieu une sténose artérielle intra ou extra-crânienne qui serait responsable de cette hypoperfusion. (ii) Secondairement, et de manière contemporaine aux céphalées, un hyperdébit cortical pourra être observé en ASL associé cette fois-ci à une pseu do-raréfaction des veines sur la séquence de susceptibilité magnétique. (iii) Un contrôle encore plus tardif pourra montrer la normalisation totale des anomalies précédemment visibles. La combinaison ASL et imagerie susceptibilité magnétique permet donc une analyse dynamique et non invasive des modifications hémodynamiques associées aux migraines.

Figure 6 – Exemple de diagnostic différentiel : migraine.
Chez cette patiente présentant des troubles du langage, et vue dans le contexte de l’urgence, les séquences de diffusion (A) et FLAIR (B) ne montrent pas d’anomalie significative. La séquence de susceptibilité magnétique retrouve en revanche un « pseudo-élargissement » des veines corticales du côté gauche (C, flèches) correspondant bien à une franche hypoperfusion en ASL (D, flèches). Dans ce contexte, il convient bien sûr d’éliminer en premier lieu l’existence d’une sténose artérielle intra ou extra-crânienne (E). Le contrôle réalisé 4 heures après le début de la symptomatologie (la patiente présentant des céphalées) montrait cette fois une franche hyperperfusion hémisphérique gauche en ASL (F, flèches) en lieu et place des anomalies précédemment visualisées. L’ensemble est très évocateur d’une migraine avec aura. À noter que l’association des séquences de susceptibilité magnétique et de perfusion ASL permet l’analyse non invasive des modifications hémodynamiques successives visibles dans la cadre de la migraine.

L’ictus amnésique

Il pose plus rarement un problème de diagnostic différentiel avec une crise épileptique. C’est surtout la séquence de diffusion (optimisée avec des valeurs de b élevées et une haute résolution spatiale) qui permettra de mettre en évidence des anomalies de signal focales au sein des hippocampes, de survenue retardée, évocatrices du diagnostic. Avec les techniques IRM utilisées en routine, il n’est pas mis en évidence de manière habituelle d’anomalie du débit sanguin cérébral chez les patients présentant un ictus amnésique. La visibilité d’anomalies de signal en diffusion en dehors des hippocampes et/ou chez un patient symptomatique n’est pas évocatrice d’un ictus amnésique et doit faire évoquer une autre étiologie.

Apport de l’imagerie pour le diagnostic étiologique de la première crise épileptique

D’une manière générale, l’IRM est beaucoup plus performante que le scanner dans cette recherche étiologique et l’on privilégiera l’utilisation d’une IRM à haut champ (3 T). Il y a en effet un enjeu important au diagnostic étiologique, car la mise en évidence d’une lésion causale augmente le risque de récurrence et a des implications thérapeutiques potentielles. Une large gamme de lésions cérébrales est susceptible de provoquer une première crise épileptique parmi lesquelles on pourra citer : les cicatrices corticales, les anomalies neuro-développementales, les lésions vasculaires, tumorales ou encore la sclérose temporale mésiale [11]. À noter toutefois qu’une lésion potentiellement épileptogène sera mise en évidence seulement pour une minorité de patients ayant présenté une première crise épileptique [11].

Rôle du scanner

Comme suggéré dans la plupart des recommandations internationales, le scanner cérébral sans injection sera réalisé en urgence chez les patients présentant une première crise d’épilepsie dans le but d’exclure des pathologies neurologiques ou neurochirurgicales nécessitant une prise en charge rapide [5]. Seront notamment recherchées dans ce cadre une hémorragie cérébrale, une collection péricérébrale, une hydrocéphalie ou une lésion tumorale. En fonction des données cliniques, l’injection de produit de contraste iodé peut être utile dans le cadre de la recherche étiologique, notamment pour éliminer une thrombose veineuse cérébrale.
La mise en évidence de lésions calcifiées en scanner peut suggérer des étiologies spécifiques à une première crise épileptique : neuro-cysticercose, cavernome, malformation vasculaire ou bien encore tubaires corticaux calcifiés ou hamartome sub-épendymaire dans le cadre de la sclérose tubéreuse de Bourneville.

Rôle de l’IRM

Il faudra prêter une attention particulière au protocole IRM utilisé, car il influence directement la sensibilité de l’examen. Des recommandations spécifiques sont disponibles [11]. D’une manière générale, l’IRM doit être réalisée le plus rapidement possible après la première crise et l’analyse des images doit être faite à la lumière des données de l’EEG. On privilégiera des acquisitions tridimensionnelles avec une haute résolution spatiale (voxel isotrope, sans espace inter-coupes) [12]. Le protocole IRM inclut habituellement des séquences de type 3D T1 écho de gradient avec préparation de l’aimantation (MPRAGE), 3D FLAIR, coronale T2 haute résolution, susceptibilité magnétique et diffusion.
L’utilisation de gadolinium n’est pas systématique, mais sera particulièrement utile si une tumeur, une lésion vasculaire ou infectieuse sont suspectées. À noter que les séquences 3D FLAIR réalisées après injection au temps tardif sont susceptibles de mettre en évidence des lésions leptoméningées avec une bien meilleure sensibilité.

Analyse des images

La mise en évidence d’une restriction du coefficient apparent de diffusion doit être interprétée avec soin chez les patients présentant une première crise d’épilepsie. Nous avons vu que de telles anomalies de signal pouvaient être liées à la crise épileptique elle-même, avec une valeur localisatrice. Il faut toutefois rester vigilant au contexte clinique et à la possibilité que la restriction du coefficient apparent soit également liée à la lésion cérébrale responsable de la crise épileptique. Un diagnostic à ne pas rater dans ce contexte est celui de l’encéphalite herpétique qui peut se présenter sous la forme d’un hypersignal cortical en diffusion (le plus souvent hippocampique, mais pas toujours) avec franche restriction du coefficient apparent de diffusion.

La séquence de susceptibilité magnétique sera particulièrement intéressante pour éliminer une thrombose veineuse corticale, une hémorragie méningée ou un cavernome cortical. L’analyse des cartes de phase peut d’ailleurs permettre de différencier une lésion hémorragique d’une calcification (dipôle paramagnétique versus diamagnétique).

La séquence conventionnelle coronale T2 garde toute son actualité chez les patients présentant une première crise épileptique. On veillera à réaliser cette séquence avec une résolution dans le plan sub-millimétrique (par exemple en utilisant un voxel 0,4 x 0,4 x 2 mm), sans espace inter-coupes, dans un plan perpendiculaire au grand axe de l’hippocampe. Cette séquence reste très utile dans la mesure où elle peut mettre en évidence des anomalies de signal ou de morphologie subtiles, voire non visibles sur les autres séquences. À noter que les structures hippocampiques apparaissent de manière classique hyperintenses sur la séquence 3D FLAIR limitant sa sensibilité. La séquence coronale T2 peut permettre de mieux visualiser les différentes subdivisions hippocampiques. À titre d’exemple, la perte de visibilité de la couche moléculaire peut être intéressante pour évoquer le diagnostic de sclérose mésiale [13]. Une limite classique des séquences IRM (notamment la séquence de susceptibilité magnétique) réside dans la présence d’artéfacts de susceptibilité magnétique à la base du crâne. La séquence coronale T2 étant acquise en turbo spin écho (et avec une bonne résolution spatiale), des anomalies corticales subtiles situées dans les régions sous-temporales ou basifrontales (par exemple des séquelles corticales, des cavernomes) sont également mieux visibles avec cette séquence. On citera également l’apport spécifique de la séquence coronale T2 pour la détection des encéphalocèles temporales.

La séquence de perfusion ASL joue un rôle tout à fait particulier pour le diagnostic étiologique. En plus de montrer des anomalies de perfusion liées à la crise épileptique, la séquence de perfusion ASL peut suggérer des étiologies spécifiques dès la phase aiguë. À titre d’exemple, la présence d’une hyperperfusion bilatérale des hippocampes peut en effet faire suggérer le diagnostic d’encéphalite. Couplée à la séquence de susceptibilité magnétique, la séquence de perfusion ASL peut également mettre en évidence des malformations artérioveineuses de petite taille (notamment corticales) et parfois non visibles sur les autres séquences IRM [14].
Dans le cadre du diagnostic étiologique, on prêtera bien sûr une attention toute particulière au ruban cortical et à la substance blanche sous-jacente. Une large gamme de lésions épileptogènes intéresse le ruban cortical et/ou l’interface gris-blanc (cicatrice corticale, tumeur, dysplasie, malformation). La détection de ces lésions repose sur l’utilisation de séquences IRM et d’une analyse des images adaptées. L’analyse des images natives haute résolution en mode multiplanaire apparaît indispensable. L’IRM doit également permettre une analyse du signal sous-cortical pour mettre en évidence des lésions subtiles comme le « transmantle sign » (Fig. 7). Des approches innovantes ont également été proposées pour mieux analyser le ruban cortical et la substance blanche sous-corticale comme l’utilisation de reconstructions curvilignes à partir de la séquence 3D T1 haute résolution (Fig. 8).

Figure 7 – Patient présentant une dysplasie corticale de type II temporale supérieure droite.
Un franc épaississement du ruban cortical avec flou de l’interface blanc-gris est visible sur les séquences 3D T1 MPRAGE et 3D FLAIR haute résolution (A, B et C, flèches). À noter la présence d’une formation linéaire adjacente, hypersignal T2, s’étendant de l’épaississement cortical au ventricule latéral correspondant au « transmantle sign » (A, B et C, têtes de flèches).

Figure 8 – Apport des reconstructions curvilignes à partir de la séquence 3D T1 MPRAGE (A et B). Le plan curviligne (indiqué en rouge) est défini à partir des coupes coronales (A).
Cette approche permet la détection de lésions subtiles intéressant le ruban cortical, de l’interface gris-blanc et/ou la substance blanche sous corticale en regard. Chez ce patient trois lésions subtiles cortico-sous corticales ont ainsi pu être détectées (B, flèches).

Cas particulier de la sclérose temporale mésiale

La sclérose est une lésion fréquemment retrouvée dans le cadre de l’épilepsie temporale, associée à un risque de pharmacorésistance. La sémiologie habituelle consiste en une atrophie de l’hippocampe avec une chute du signal en pondération T1, un hypersignal en pondération T2 et une perte de visibilité des digitations hippocampiques (Fig. 9). Les anomalies peuvent ne pas être limitées au seul hippocampe, mais intéresser également l’amygdale, le cortex entorhinal, la région temporo-polaire, le fornix et les corps mamillaires.
La malrotation hippocampique ne doit pas être confondue avec la sclérose mésiale. Elle est fréquemment visible et correspond à un hippocampe prenant une forme arrondie, avec verticalisation du sillon collatéral, sans anomalie de signal ni atrophie associée. Son association avec la survenue de crises épileptiques n’est pas clairement établie.

Figure 9 – Aspect typique d’une sclérose mésiale associant une atrophie de l’hippocampe gauche avec perte des digitations de la tête de l’hippocampe (C, flèche), hypersignal sur les séquences FLAIR (A, flèche),
T2 (B, flèche) et DIR (double inversion récupération, D, flèche).

Perspectives

Les perspectives sont nombreuses :
- les techniques de médecine nucléaire (notamment la tomographie par émission de positons TEP) ne sont pas indiquées dans le cadre d’une première crise d’épilepsie. L’apport de ces techniques est majeur pour mettre en évidence des anomalies fonctionnelles (hypométabolisme en inter-critique) chez les patients présentant une épilepsie pharmaco-résistante (alors que parfois aucune lésion n’avait été objectivée en IRM). L’apport des techniques hybrides TEP-IRM, qui permettent de réaliser simultanément une IRM et une acquisition TEP, reste à définir ;
- de nombreuses séquences IRM sont en cours d’évaluation (comme les séquences DIR, PSIR, MP2RAGE ou encore l’imagerie synthétique 3D) et pourront probablement contribuer à améliorer la sensibilité de l’IRM pour la détection de lésions épileptogènes subtiles ;
- en termes d’acquisition, la plus grande disponibilité des IRM à haut champ (notamment 3T) permet d’entrevoir l’utilisation en routine clinique de séquences morphologiques à haute résolution spatiale. À noter que l’utilisation clinique d’imageurs à ultra-haut champ (IRM 7T) débute dans certains pays. Cette approche pourra être particulièrement utile pour les patients ayant présenté une crise épileptique en permettant l’acquisition d’images à des résolutions spatiales inédites ;
- en termes de post-traitement des images, des techniques automatisées de quantification du volume du LCS, de la substance grise et blanche (morphométrie) sont désormais disponibles en routine clinique et peuvent contribuer à la détection d’atrophies focales. Les techniques d’analyse plus poussées de la texture ou de la complexité corticale ou l’analyse des connectomes structurel et fonctionnel restent encore du domaine de la recherche et des études de groupes.

Conclusion

En complément de l’examen clinique et de l’EEG, l’imagerie joue un rôle fondamental pour la prise en charge des patients présentant une première crise d’épilepsie. Le scanner sera particulièrement utile dans le contexte de l’urgence pour éliminer des lésions cérébrales nécessitant une prise en charge rapide. L’IRM reste la modalité de choix dans ce contexte en confortant le diagnostic positif de crise épileptique et en identifiant une lésion potentiellement épileptogène. À cet égard, on retiendra l’importance d’un protocole IRM et d’une analyse des données adaptés.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Correspondance :
jhodel@ghpsj.fr

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