L'expertise scientifique

Les spasmes épileptiques, un type de crises d’épilepsie rare chez l’adulte – une fréquence peut-être sous-estimée

Résumé
Les spasmes épileptiques (SE) sont avant tout des crises épileptiques du nourrisson qui surviennent dans le cadre du syndrome de West où ils sont associés à une hypsarythmie et à une régression psychomotrice. S’ils cessent avant l’âge de 3 ans dans la plupart des cas, leur persistance à l’âge adulte est possible. C’est aussi parfois le cas des spasmes tardifs qui surviennent après l’âge de 1 an. Des SE peuvent commencer chez l’adulte chez des patients qui souffrent déjà d’une épilepsie ou d’une maladie neurologique de l’enfance. Ces patients ont ou non une lésion sur l’imagerie par résonance magnétique et leur développement psychomoteur est affecté à des degrés divers. Aucun facteur particulier ne semble expliquer la persistance ou l’apparition tardive des spasmes. Par ailleurs, des encéphalites de l’adulte, notamment à anticorps anti-LG1 (leucine-rich glioma) comportent des SE. Au total, devant des contractions proximales des membres et axiales en salve, l’EEG (électroencéphalogramme)-vidéo a toute sa valeur pour poser le diagnostic de SE, quel que soit l’âge. Il serait souhaitable dans l’avenir de prêter d’avantage attention aux SE chez l’adulte afin de progresser sur leur physiopathologie et leur traitement.

Abstract – Epileptic spasms: a rare type of epileptic seizure in adults
Epileptic spasms (ES) are epileptic seizures occurring mainly in infancy as part of West syndrome associated with hypsarythmia and psychomotor regression. In most cases they stop before the age of three, but persistence of ES in adulthood has been described. Late onset spasms occurring after one year of age can also continue in adulthood. ES starting in adulthood at children already suffering from childhood epilepsy or a neurologic disorder have been described as well. Those patients have or not a lesional epilepsy; their developmental delay ranges from mild to severe. No particular factor explains persistence or late onset occurrence of ES. Furthermore, some adult encephalitis, notably LG1 antibodies (leucine-rich glioma) encephalitis, includes ES. All in all, occurrence of clusters of contractions of proximal limbs and axis should lead to a video-electroencephalogram to diagnose ES whatever the age. More attention should be paid in the future to ES in adulthood aiming to progress in pathophysiology and treatment.

Les spasmes épileptiques (SE) sont des crises très brèves caractérisées par une soudaine flexion, extension ou un mélange de flexion et d’extension qui prédominent sur les muscles proximaux des membres et les muscles du tronc. Ils surviennent souvent en salve [1]. Ils sont fréquemment mal connus des neurologues, car ce sont avant tout des crises du nourrisson. En effet, ils s’inscrivent dans 90 % des cas dans le cadre d’une encéphalopathie du nourrisson, le syndrome de West. Ce syndrome débute classiquement entre 3 et 7 mois et associe des ES, un arrêt ou une régression du développement psychomoteur et une hypsarythmie [1]. L’hypsarythmie est un aspect intercritique qui comporte une abolition de toute organisation physiologique, des ondes lentes de grande amplitude et des pointes ondes de différentes morphologie, durée et localisation (Fig. 1). La vidéo-électroencéphalographie (EEG) permet de poser le diagnostic de SE avec certitude, sur le plan clinique et électrique. Ce sont des crises habituellement plus longues qu’une myoclonie et plus courtes qu’une crise tonique. La décharge associée au spasme est un potentiel triphasique de grande amplitude, surchargé ou non d’une brève décharge rapide ; sur le myogramme, la contraction musculaire est typique avec un aspect en diamant (Fig. 2) [2]. Le syndrome de West peut survenir dans différentes pathologies immunologiques, infectieuses, métaboliques, génétiques, être lié à une ou des lésions cérébrales ou être de cause inconnue. Les spasmes peuvent survenir chez le nourrisson en dehors du syndrome de West et également à un âge plus tardif ; un début chez l’enfant après l’âge de 1 an les fait considérer comme des spasmes tardifs [1]. Chez l’adulte, le diagnostic de SE est exceptionnellement évoqué, alors qu’ils existent dans notre expérience et rarement dans la littérature. Par exemple, Egli et al. décrivent neuf patients adultes avec des spasmes axiaux, malheureusement sans détailler l’âge de début ni les antécédents [3]. Nous avons revu les cas publiés en les classant par âge de début.

Figure 1 – Hypsarythmie chez une patiente âgée de 5 mois souffrant d’un syndrome de West cryptogénique (tracé de sommeil, montage longitudinal). Figure 2 – Spasmes chez un patient de 7 mois avec un syndrome de West lié à une hémorragie néonatale.
Les flèches désignent les spasmes (montage longitudinal).

Spasmes persistants depuis l’enfance

Les cas analysés dans la littérature sont peu nombreux. Toutefois, ce faible nombre est sans doute sous-estimé. En effet, leur reconnaissance impose de suivre les patients sur une longue durée, plus de 17 ans pour le syndrome de West notamment. Ce suivi long est d’autant plus difficile à mener chez les patients devenu adultes, qu’il exige une collaboration entre les équipes de neuropédiatres et de neurologues. Toutes les études de suivi à long terme de spasmes ayant débuté chez le nourrisson ou le jeune enfant ont mis en évidence des spasmes persistants chez le grand enfant. C’est le cas de celle de Menezes et al. qui rapporte 14 enfants de plus de 5 ans, âgés de 15 ans au maximum, chez qui les spasmes dans le cadre d’un syndrome de West ou spasmes tardifs persistent [4]. C’est le cas parmi les 33 patients atteints de spasmes tardifs suivis jusqu’à l’âge de 28 ans au maximum rapportés par Ronzano et al. [4]. Il est plus que probable que les SE qui perdurent chez le grand enfant existent toujours chez l’adulte.

Syndrome de West

Dans le syndrome de West, les spasmes sont contrôlés le plus souvent par le vigabatrin associé ou non à des corticostéroides [1]. Toutefois, à l’âge adulte, 76 % des patients ont un retard mental modéré, profond ou sévère [5]. Dans la série où les enfants ont été suivis le plus longtemps, les spasmes disparaissent avant l’âge de 3 ans dans l’immense majorité des cas. Un tiers des patients souffre d’une épilepsie pharmacorésistante et un tiers de crises peu fréquentes. Quatre des 214 patients, soit 2 %, suivis au moins 20 ans ou jusqu’à leur mort, gardent des spasmes épileptiques [5]. Leurs caractéristiques ne sont pas précisées. Quatre patients sont, en revanche, décrits précisément dans la littérature ([6, 7], Tab. 1).
La patiente décrite par Cerullo et al. [6], âgée de 21 ans, souffrait de spasmes qui avaient débuté à l’âge de 1 mois et n’avaient jamais cessé, sans d’autres types de crises associées. Les auteurs ne disposent pas des données du début de la maladie qui permettraient de poser le diagnostic de syndrome de West. Elle avait une sclérose tubéreuse de Bourneville (STB). Les trois patients de Camfield et al. [7], âgés de 19, 20 et 22 ans lors de l’examen eurent un syndrome de West typique avec une évolution habituelle au début, c’est-à-dire un contrôle initial. Ce qui est peu classique, c’est une récidive des spasmes 15 mois à 6 ans plus tard. À ce moment-là, les SE se sont révélés pharmacorésistants. Un patient fit une seule crise généralisée tonico-clonique (CGTC), un des crises focales et un des crises myocloniques et toniques. Deux souffraient d’une STB, et le troisième d’une épilepsie cryptogénique. Aucun de ces patients n’avait un retard mental sévère ni profond. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale montrait une hétérotopie périventriculaire. La figure 3 illustre le cas d’une de nos patientes, qui avait eu un syndrome de West à l’âge de 3 mois et dont les SE persistent depuis.

Figure 3 – Spasmes chez une patiente de 19 ans ayant débuté à l’âge de 3 mois et n’ayant jamais cessé depuis.
3a : spasmes (montage longitudinal ; les myogrammes ne fonctionnaient pas bien et ne figurent pas). Les flèches désignent les spasmes.
3b : IRM cérébrale montrant une hétérotopie de substance grise le long de la corne ventriculaire latérale gauche avec une probable dysplasie corticale en regard. La flèche désigne l’hétérotopie.

Spasmes tardifs

Il s’agit de SE qui débutent après l’âge de 1 an. L’hypsarythmie n’est pas obligatoire. Le traitement est beaucoup moins efficace que dans le syndrome de West [4, 8, 9]. Dans l’étude de Ronzano et al., parmi les 33 patients suivis en moyenne 9,8 ans, jusqu’à l’âge de 28 ans au maximum, 70 % gardaient des spasmes associés ou non à d’autres types de crises, sans facteur pronostique trouvé [4]. Dans la littérature, trois patients ont été précisément décrits [6, 9]. Le premier, étudié par Metsähonkala et al., était âgé de 18 ans lors du dernier examen [9]. Ses spasmes avaient débuté à l’âge de 13 mois. Dans l’évolution, étaient apparues des crises atoniques. Il existait une lissencéphalie. Le deuxième patient était âgé de 20 ans lors du dernier rapport ; les spasmes évoluaient depuis l’âge de 20 mois. Par la suite, survinrent des crises focales. L’IRM cérébrale était normale. Quant à la patiente de Cerullo et al., âgée de 32 ans, elle faisait des crises focales et généralisées tonicocloniques depuis l’âge de 9 mois [6]. Les spasmes n’apparurent qu’à l’âge de 11 ans. L’IRM montrait une pachygyrie diffuse. Ces trois patients avaient un développement variable.

Spasmes débutant à l’âge adulte

Dans le cadre d’une maladie de l’enfance

Trois patients ont été analysés dans la littérature. Deux avaient une épilepsie pédiatrique, le troisième une maladie neurologique de l’enfance. Cerullo et al. rapportent une patiente âgée de 57 ans qui souffrait de crises focales depuis l’âge de 6 ans [6]. Les spasmes débutèrent à l’âge de 27 ans ; ils pouvaient être suivis par une crise focale. L’IRM montrait une pachygyrie bioperculaire. D’Orsi et al. décrivent un patient chez qui l’épilepsie avait débuté à l’âge de 16 ans et les spasmes à l’âge de 18 ans [10]. Il avait pour antécédent une prématurité et un retard noté dès la première année de vie. À l’âge de 16 ans, il se mit à faire des crises au réveil caractérisées par des myoclonies suivies de CGTC. À l’âge de 18 ans apparurent des SE qui s’avérèrent pharmacorésistants. L’IRM cérébrale montrait une malformation cérébrale complexe.
D’Orsi et al. ont aussi décrit un patient de 30 ans qui avait une atteinte neurologique de l’enfant, mais dont l’épilepsie débuta à l’âge adulte [10]. Il avait en effet eu une asphyxie sévère à la naissance, puis un retard de développement et une tétraparésie spastique. À l’âge de 25 ans, apparurent des crises généralisées tonicocloniques qui se produisaient une fois par mois, des crises atoniques plurimensuelles et des SE qui survenaient surtout pendant les repas. L’épilepsie se révéla pharmacorésistante. L’IRM cérébrale montrait une dysplasie operculaire bilatérale et une hypoplasie du corps calleux.

Dans le cadre d’une maladie nouvellement apparue

Maton et al. décrivent un homme qui développa des spasmes à l’âge de 69 ans [11]. Le cortège neurologique évoquait une encéphalite. Sur quelques mois, s’étaient en effet installés une fatigue, des céphalées, une confusion et des troubles de mémoire. Puis survint un épisode de perte de conscience. À ce moment-là, l’EEG enregistra deux crises électro-cliniques temporales gauches. Dans les mois suivants, furent notés une hyponatrémie et un signe de Babinski bilatéral, puis, 6 mois après la perte de conscience, le patient eut un coma avec une dyspnée de Cheynes Stokes. L’EEG enregistra un tracé lent avec d’abondantes ondes triphasiques et des spasmes en flexion en salve. L’IRM cérébrale montra des hypersignaux de la substance blanche, le liquide céphalo-rachidien était normal. Les symptômes régressèrent pour la plupart sous corticostéroïdes puis immunosuppresseurs. Malgré l’absence de marqueur biologique, il s’agissait vraisemblablement d’une encéphalite chronique. À notre sens, un autre type d’encéphalite se présente avec des spasmes, les encéphalites auto-immunes à anti-LG1 (leucine-rich glioma). Il s’agit d’affections qui touchent les hommes dans deux tiers des cas, avec un âge médian de début de 65 ans [12]. Elles sont associées à des tumeurs dans 11 % des cas. Elles comportent des troubles de la mémoire antérograde, des crises dystoniques et dans 66 à 89 % des cas, des crises focales temporales. Les symptômes sont sensibles aux corticostéroïdes et aux immunosuppresseurs. Les crises dystoniques dans cette affection ont les caractéristiques électrocliniques des SE [13]. Les crises consistent en effet en des contractions du bras et souvent de l’hémiface homolatérale avec plus rarement une mise en jeu du tronc et du membre inférieur. Elles durent moins de 3 secondes et sont fréquentes (jusqu’à plusieurs centaines par jour). L’aspect EEG est caractéristique d’un SE.

Conclusions

Les SE existent chez l’adulte dans deux cadres bien différents. Ils peuvent survenir dans les suites d’une maladie de l’enfance, que les SE aient commencé dans le cadre d’un syndrome de West ou plus tardivement. Les médicaments antiépileptiques sont peu efficaces. Leur fréquence est certainement sous-estimée. Ni les données d’imagerie, ni les données neuropsychologiques, sur le petit nombre de cas rapportés, ne semblent différencier les patients avec SE de ceux qui souffrent d’autres types de crises d’épilepsie. La piste génétique, qui pourrait rendre compte des spécificités de ces patients, n’a pas été creusée. Les SE peuvent aussi survenir dans certaines encéphalites, notamment à anticorps anti-LG1. Un enregistrement plus systématique en vidéo-EEG des SE devrait permettre de déterminer plus précisément leur fréquence. Les auteurs s’accordent sur le fait que les spasmes sont liés à un réseau pathologique entre cortex et ganglions de la base [1, 13]. C’est toutefois la mise en évidence d’interactions moléculaires anormales, possiblement à cause de mutations génétiques pour les maladies de l’enfant, ou via des auto-anticorps pour les maladies de l’adulte, qui devrait dans l’avenir éclairer leur physiopathologie et conduire à des traitements plus efficaces que ceux actuellement proposés.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt.

Correspondance
Delphine Taussig, UNCE, CHU Bicêtre
78, rue du Général Leclerc
94275 Le Kremlin Bicêtre Cedex
Tel : 01 45 21 23 52
Email : delphine.taussig@aphp.fr

Bibliographie

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