De nombreuses molécules ayant une indication dans le traitement de fond de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR) ont été mises sur le marché ces dernières années. Notre arsenal thérapeutique s’est donc considérablement étoffé avec plus de 12 médicaments de mécanismes d’action différents [3], certains par voie orale, d’autres par voie injectable (sous-cutanée ou intraveineuse), avec des schémas allant de la prise quotidienne jusqu’à des prises séquentielles (continues ou en un schéma unique). Ceci est bien évidemment un net progrès pour le contrôle de la maladie chez nos patients, mais complexifie considérablement notre algorithme décisionnel.
Nous distinguons donc des traitements dits de « haute efficacité » et d’autres « d’efficacité modérée » (ou « traitements plateformes »).
Ainsi, deux stratégies thérapeutiques se discutent :
– une stratégie d’escalade, consistant à commencer, dès le diagnostic, un traitement de fond d’efficacité modérée quitte à proposer en relais un traitement de haute efficacité en cas d’activité persistante ;
– une stratégie de haute efficacité d’emblée, fondée sur l’instauration d’un traitement de haute efficacité. Cette dernière stratégie est indiquée dans des formes très actives de la maladie ou des formes actives avec signes péjoratifs (atteinte médullaire, forte charge lésionnelle, par exemple…) [1, 2].
Dans tous les cas, deux messages sont importants :
– instaurer un traitement le plus précocement possible [1] ;
– envisager la stratégie la plus en adéquation avec le profil de la maladie (médecine personnalisée), sans hésiter à proposer un traitement de haute efficacité d’emblée si cela est justifié [2].
Ces deux éléments conditionnent le pronostic de la maladie avec une prévention plus efficace de l’accumulation du handicap [2] et une diminution du risque d’évolution vers une SEP secondairement progressive (SEP-SP) [1]. Tout ceci bien évidemment, en tenant compte du profil patient, de sa préférence et de l’acceptation des contraintes liées au suivi du traitement proposé.
Cet atelier animé par Marie-Hélène Colpaert et Renato Colamarino a permis de discuter de plusieurs étapes clés concernant la mise en place d’un traitement de haute efficacité d’emblée en hôpital de jour (HDJ) (ne concerne donc que certaines molécules).
Comment sont gérés les patients chez qui on doit débuter un traitement de haute efficacité ?
La place de l’éducation thérapeutique (ETP) est primordiale pour une meilleure acceptation et une meilleure adhésion au projet thérapeutique. Cependant, nous savons que l’ETP n’est pas accessible pour tous les patients (pour des raisons d’éloignement géographique ou de disponibilité). Même en cas de proximité, tous les patients n’adhèrent pas à un programme d’ETP.
Au terme de la séance d’ETP, le patient doit être capable :
➔ d’expliquer le mode d’action du traitement prescrit ;
➔ d’expliquer pourquoi ce traitement lui a été prescrit ;
➔ de donner des éléments concernant l’efficacité attendue du traitement ;
➔ d’avoir connaissance des explorations à réaliser avant le début de son traitement et de savoir à quoi correspondent ces examens ;
➔ de connaître les modalités d’organisation de soins ;
➔ de reconnaître les effets indésirables liés au traitement pendant et après celui-ci ;
➔ d’organiser son suivi en termes d’examens à réaliser et son suivi si des effets indésirables apparaissent.
Si on ne se situe pas dans le cadre d’un accompagnement de type ETP ou d’actions éducatives, les difficultés sont très souvent nombreuses : en premier, est évoqué le manque de temps pour pouvoir bien expliquer le projet thérapeutique, les modalités d’administration du médicament, la fréquence des séjours en HDJ, les modalités de suivi et de surveillance (biologique, radiologique). Par ailleurs, le bilan préthérapeutique est souvent source d’anxiété (on aborde essentiellement les risques inhérents au traitement). Enfin, ce bilan préthérapeutique peut parfois être lourd (prises de sang récurrentes, vaccination…). Le manque de personnel formé (infirmières non formées surtout pour des HDJ mutualisées…), le manque de disponibilité (par manque de temps) des infirmières (même spécialisées), le peu d’infirmières en pratique avancée, sont également des freins non négligeables à la mise en place d’un traitement de haute efficacité.
Une autre problématique, et non des moindres, est que le projet thérapeutique est très précoce, parfois même au moment de l’annonce diagnostique qui, elle, demande un petit peu de temps pour que le patient accepte sa maladie et puisse mettre en place des ressources internes lui permettant d’être beaucoup plus résilient.
En pratique, la décision d’introduire un traitement de haute efficacité est souvent prise après discussion dans le cadre d’une réunion de concertation la plupart du temps auprès du centre de ressources et de compétences SEP (CRC-SEP). Le patient est ensuite informé de la décision par son neurologue référent. L’équipe HDJ est informée. La proposition de participer à l’ETP soit en groupe soit en individuel est faite. La date du traitement est fixée. La plupart du temps une relance téléphonique est faite l’avant-veille ou la veille par l’équipe HDJ. Des informations supports type flyer sont données en amont de l’hospitalisation en HDJ (celles-ci redonnent des informations sur le traitement, les modalités d’administration, les explorations paracliniques de suivi et d’efficacité).
Quelles que soient les modalités qui vont conduire à mettre en place un traitement de haute efficacité, deux éléments sont essentiels :
– informer le plus clairement possible le patient avant sa première hospitalisation de jour pour la réalisation de son traitement ;
– permettre au patient de commencer son traitement dans les conditions optimales de sécurité, et de sérénité.
Ce temps dédié à cette mise en place doit avoir pour objectif de diminuer l’angoisse du patient pour le mettre dans les meilleures conditions, psychologiques notamment, pour cette prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, comprendre, c’est mieux adhérer au projet thérapeutique.
Quel est le meilleur moment pour proposer les explications concernant le traitement de haute efficacité ?
• AVANT : s’agit-il du neurologue référent du patient ? du neurologue hospitalier à qui est confié le patient ? d’un autre professionnel de santé ? (infirmière ETP, infirmière de pratique avancée [IPA], infirmières de l’HDJ ou de la consultation d’annonce).
• PENDANT : lors de la première séance de traitement, par le médecin, un autre professionnel de santé ? selon la durée du traitement, ce temps peut être consacré à cette information.
• APRÈS : lors du suivi, soit pour une autre cure de traitement, soit lors d’une consultation en dehors de l’HDJ.
Fiches supports
Certaines émanent directement de l’équipe soignante et sont propres à chaque établissement. Un échange d’expérience a été grandement discuté lors de cet atelier. Retrouvez l’exemple du CH d’Antibes présenté par Renato Colamarino.
D’autres outils plus consensuels élaborés par des sociétés savantes (sous l’égide la SFSEP par exemple) ont été présentés, notamment l’exemple de fiches pratiques.
Au total, l’ensemble des réflexions et commentaires des professionnels de santé de cet atelier permettent maintenant de mieux appréhender la mise en place de traitements de haute efficacité dans le cadre d’un HDJ, afin de mettre le patient dans les meilleures dispositions pour une meilleure acceptation du projet thérapeutique.
Bibliographie
1. Filippi M, Amato MP, Centonze D et al. Early use of high-efficacy disease-modifying therapies makes the difference in people with multiple sclerosis: an expert opinion. J Neurol 2022 ; 269 : 5382-94.
2. Filippi M, Danesi R, Derfuss T et al. Early and unrestricted access to high‑efficacy disease‑modifying therapies: a consensus to optimize benefits for people living with multiple sclerosis. J Neurol 2022 ; 269 : 1670-7.
3. Zephir H, Durand-Dubief F, Le Page E. Fiches pratiques thérapeutiques pour la prise en charge des patients atteints de sclérose en plaques. Pratique Neurologique – FMC 2023 ; 14 : 98-107.